POUR UN TRAVAIL COLLABORATIF DES MEN

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Quels sont ceux qui comprennent vraiment le drame de l'enfant (et de ses parents) souffrant d'un déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité?

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Opinions Mercredi 3 juin 1998 B3 (QUEBEC)

 

 

 

Le Ritalin, un médicament éprouvé

 

 

Quels sont ceux qui comprennent vraiment le drame de l'enfant (et de ses parents) souffrant d'un déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité?

Raymond, François - pédiatre.


 

 

 

Dans tout le battage médiatique des derniers mois, et particulièrement de la semaine dernière à l'Assemblée nationale, autour de l'usage du Ritalin (méthylphénidate), quels sont ceux qui comprennent ou qui connaissent même vraiment le drame de l'enfant souffrant d'un déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité? A-t-on idée de l'impact de cette campagne de presse sur les parents dont les enfants sont sous Ritalin?

Un directeur d'école prétend que "la source des difficultés de l'enfant n'est pas neurologique mais psychosociale et affective". Ce monsieur a probablement été mal cité. Les enfants souffrant de troubles de l'attention avec ou sans hyperactivité ont un déficit neurologique; leur cerveau est différent de celui des autres. Ces enfants n'arrivent pas à maintenir leur attention sur une tâche précise; leur cerveau est constamment sollicité par tous les stimuli qui les entourent.

L'enfant souffrant d'un déficit de l'attention avec hyperactivité vit en marge de la société. Personne n'en veut dans son entourage; ni les éducateurs de garderie, ni les professeurs, ni les chauffeurs d'autobus scolaire, ni les surveillants scolaires, ni les voisins, ni la famille élargie, ni les entraîneurs d'équipes sportives, ni même les enfants de leur âge, personne. Il bouge sans arrêt, incapable de rester assis sur sa chaise, il interrompt, il mobilise l'attention sans raison utile; il est impatient, colérique, ne tolère aucune frustration; ne termine aucune tâche, touche à tout, imprévisible, obstiné, n'écoute rien, ne suit aucune consigne; il est aussi agressif quelquefois, se bagarre dans la cour d'école, provoque ses camarades de classe. Il dérange, il brise toute forme d'harmonie autour de lui!

Les parents de cet enfant doivent quotidiennement faire leur deuil de la joie d'être parent. Dès son jeune âge, l'enfant souffrant d'un déficit de l'attention est un enfant difficile, mobilisant beaucoup de temps et d'énergie. Les parents hésitent à les amener au marché ou encore visiter la famille. En plus de devoir constamment chercher à les contrôler, ils peuvent lire dans le regard de leur entourage l'impatience et même la colère. Ces parents ne profitent que très rarement d'une des grandes satisfactions d'être parent: entendre les autres parler en bien de son garçon ou de sa fille. Les gardiennes ne font jamais vieux feu. À la garderie, à la maternelle, on informe régulièrement les parents des troubles de comportement de leur enfant; on essaie de trouver des "solutions d'encadrement" tout en prévenant les parents qu'ils devront peut-être retirer leur enfant de leur établissement. Au primaire, le tableau n'est guère plus reluisant. Sans compter les difficultés d'apprentissage qui viennent compliquer le tableau. Ou encore la période épique à la maison où il faut faire les incontournables devoirs. L'enfer, quoi!

 

Ceux qui croient que j'exagère n'ont qu'à venir dans mon cabinet pour entendre les parents de ces enfants me raconter leur histoire, l'un après l'autre: toujours la même histoire avec quelques variations sur un même thème. La situation est d'autant plus dramatique que l'un des deux parents a souvent vécu un problème similaire en bas âge, et qu'il se sent coupable à l'apparition du même phénomène chez son enfant.

En plus de vivre dans cet univers infernal, ces parents se sentent jugés. Quelques âmes bien pensantes laissent quelquefois échapper des commentaires du genre: "Un enfant, madame, ça s'éduque"; ou encore: "Vous ne devriez pas le laisser toujours faire à sa tête; un enfant ça se contrôle!" Ils ont le sentiment d'être inadéquats, de ne pas être de bons parents. Ils ont beau y mettre tous les efforts, ils sont sans cesse confrontés à des échecs. Que conseilleriez-vous à ces parents? Des méthodes de renforcement? Des mesures d'encadrement? La coercition? Des punitions? Un agenda de suivi avec le professeur? Des activités où ils pourront épuiser leur énergie? Des séances de concentration? Des médicaments homéopathiques? Peine perdue, ils ont déjà essayé toutes ces solutions. Or chaque solution donne des résultats médiocres et de toute façon éphémères. Alors que faire?

L'enfant souffrant d'un déficit de l'attention avec ou sans hvperactivité est un enfant foncièrement déprimé. Son estime de soi est à zéro. Il n'arrive pas à se contrôler et personne ne veut de lui. C'est à ce problème fondamental que s'attaque le médecin. Il faut faire vivre à cet enfant des expériences positives pour renflouer son estime de soi. Il faut imprimer dans sa mémoire ces attitudes, ces procédés par lesquels il est parvenu à des succès.

Et c'est dans ce contexte que le Ritalin devient un allié précieux. Le méthylphénidate (Ritalin) a la propriété d'améliorer considérablement le niveau de l'attention chez ces enfants. Il lui permet de comprendre et de suivre des consignes, de compléter des tâches, d'être attentif à son environnement, de vivre enfin des expériences positives. Sous Ritalin, l'univers de cet enfant change: ses résultats scolaires s'améliorent, les professeurs le félicitent pour efforts notables de contrôle au niveau de son comportement, ses parents retrouvent plus facilement le sourire. Et enfin, il est mieux accepté par ses camarades de classe et commence à se faire des amis. Les résultats sont quelquefois spectaculaires. Mais les efforts des parents ne ralentissent pas pour autant. Les méthodes de renforcement, l'encadrement quotidien, les communications étroites avec l'école, toutes ces mesures sont encore nécessaires. Et les incontournables visites de contrôle chez le médecin. Et les nouvelles frustrations comme celle où leur enfant, alors qu'il est un peu plus turbulent, se fait demander par son professeur, devant les autres élèves: "As-tu pris ton Ritalin ce matin?" Parce qu'il faut savoir que le Ritalin, ce n'est pas la panacée universelle. Ces enfants ne sont pas beaucoup moins actifs qu'auparavant; mais leur activité est plus coordonnée, plus cohérente, et rend leur "surplus d'énergie" un peu plus acceptable.

Les parents d'enfants souffrant d'un déficit de l'attention demeurent toujours ambivalents face au Ritalin. Ils hésitent à soumettre leur enfant à une médication à long terme. Ils s'interrogent sur les effets secondaires, se demandent s'il n'y a pas des risques de dépendance ou des effets à long terme. Même après des résultats "spectaculaires" ils sont déchirés; certains essaient discrètement de cesser la médication pour voir "si c'est vraiment le Ritalin qui est responsable de ces résultats". Dans les campagnes de presse autour du Ritalin, les parents se sentent jugés. Ils font partie de ces milliers de parents dont les enfants sont drogués pour faire plaisir aux professeurs qui ne veulent pas s'occuper des enfants.

Il est louable de se préoccuper de l'abus qui pourrait être fait de ce médicament ou du fait qu'il puisse faire l'objet d'un marché parallèle comme pour toute autre médicament d'ailleurs. Mais certains tombent carrément dans la démesure en faisant usage de termes du genre "camisole chimique" ou de "lobotomie pharmacologique" pour qualifier le Ritalin. Ils ne réalisent peut-être pas que ces termes constituent également un jugement de valeur à l'égard des parents qui l'administrent. Et si ces mêmes critiques croient détenir la recette miracle pour venir en aide aux enfants souffrant d'un déficit de l'attention, alors qu'ils en fassent la démonstration et nous en informent publiquement. J'ose toutefois espérer qu'il ne s'agira pas de recettes du genre mise en place d'une structure lourde et dispendieuse qui a l'air géniale sur papier et qui après vingt ans aura fait la preuve de son inefficacité. Ou encore l'ouverture de x milliers de postes de spécialistes qui seront toujours débordés et qui ne pourront intervenir que dans leur domaine respectif, sans effet général sur l'ensemble des difficultés relationnelles que connaissent ces enfants.

De nombreux professionnels jouent un rôle essentiel tant au niveau de l'évaluation que de la prise en charge des enfants souffrant d'un déficit de l'attention. Mais il ne faut pas oublier que les parents sont les "thérapeutes" les plus importants pour ces enfants. Et une bonne façon de les aider, c'est de ne pas les juger. Le Ritalin est un médicament éprouvé. Avec des mesures d'encadrement soutenues, et intégré à une prise en charge orientée vers une restauration de l'estime de soi, un usage judicieux de ce médicament permet aux parents d'être enfin efficaces dans l'aide offerte à leur enfant.

 

Le document est publié avec la permission du Dr. François Raymond

 



30/06/2012
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