POUR UN TRAVAIL COLLABORATIF DES MEN

POUR UN TRAVAIL COLLABORATIF DES MEN

DEPISTER LES RISQUES DE DIFFICULTES SCOLAIRES EN GRANDE SECTION DE MATERNELLE : choix d’épreuves

Dépister les risques de difficultés scolaires en grande section : choix d’épreuves
Mise en ligne en octobre 2003
 sur http://www.cndp.fr/bienlire/04-media/a-risques-Imp.htm
Introduction

Le savoir-lire est indispensable à une scolarité harmonieuse et réussie, puis à une insertion sociale et professionnelle. De nombreux enfants sont en difficulté au niveau de l’apprentissage de la lecture et les conséquences ne sont pas sans alerter les pouvoirs publics. Pour essayer de limiter ces difficultés, un dépistage précoce des enfants en difficulté s’impose dès l’école maternelle. Le BSEDS 5-6 (Bilan de santé évaluation du développement pour la scolarité – 5 à 6 ans) a été mis au point par le Laboratoire Cogni-sciences et Apprentissages de Grenoble (Zorman et al, 1999) et proposé aux médecins scolaires pour l’examen obligatoire de la 6e année. Il comporte des épreuves cognitives destinées à repérer les enfants en difficulté au niveau des compétences instrumentales prérequises pour la lecture. Si son intérêt est indéniable dans une démarche d’évaluation, il apparaît trop long dans le cadre d’un dépistage de masse. En effet, outre un examen clinique complet et une évaluation du langage sur le versant expressif, ce bilan comporte 12 items. Il nécessite un temps de passation d’au moins 45 minutes par enfant. 
Notre démarche consiste donc à sélectionner les épreuves cognitives les plus significatives, pour permettre aux médecins scolaires de repérer rapidement les enfants dont le développement est harmonieux et de proposer aux enfants à risques un bilan complet, et éventuellement les bilans complémentaires et remédiations nécessaires. 
La maîtrise de la lecture suppose de nombreuses compétences. Son apprentissage repose sur une maturité psychoaffective et des capacités cognitives. Il met en œuvre deux grands types de processus : d’une part, des mécanismes d’identification des mots et, d’autre part, l’intégration syntaxique et l’accès au sens. L’objet de notre étude se limitera à ces capacités visuelles, linguistiques et mnésiques, évaluées dans le BSEDS. 
Rappel théorique

Au fil de ses lectures, le normo-lecteur se constitue un « lexique interne ». Il a mémorisé la forme orthographique de milliers de mots et de morphèmes, associée à leur signification et à leur prononciation. Lors d’une tâche de lecture, il utilise une procédure « d’adressage » lorsque le mot lui est connu (il le reconnaît visuellement et accède éventuellement à sa signification et à sa prononciation) et une procédure « d’assemblage » si le mot lui est inconnu ; il doit alors le décomposer pour mettre en correspondance graphèmes et phonèmes, ou syllabes écrites et syllabes orales, afin de retrouver la prononciation du mot et, de là, sa signification. Le normo-lecteur a automatisé ces deux procédures ; il utilise de façon préférentielle la procédure d’adressage, ce qui lui permet une lecture fluide et rapide, et ne se sert de l’assemblage que pour des mots nouveaux ou pour des noms propres. 
Contrairement à l’apprentissage de la langue orale qui peut s’acquérir dans des situations spontanées de communication, l’apprentissage de la lecture implique des contraintes. 
L’apprenti lecteur doit mettre en place les mécanismes de reconnaissance des mots et construire son lexique interne. En début d’apprentissage, toute son attention est mobilisée par l’activité de décodage, par l’acquisition des mécanismes spécifiques de l’écrit (reconnaissance globale de mots familiers). Ce n’est que l’automatisation de ces stratégies de lecture qui lui permettra d’accéder au sens d’un texte. Pour Seymour (1996), l’apprentissage de l’écrit repose sur des procédures logographique et alphabétique (correspondances graphèmes-phonèmes) et sur une conscience phonologique. C’est la maîtrise de ces trois éléments qui permet la mise en place d’une structure centrale, le réseau orthographique (automatisation des deux voies de lecture et accès au sens). 
Dans notre système alphabétique, le lien entre langage oral et langage écrit est fort. L’écrit correspond à une mise en relation de ses unités graphémiques avec les unités minimales du langage oral : les phonèmes. Pour apprendre à lire-écrire, l’enfant doit donc posséder un niveau de langage oral correct dans toutes ses composantes. Les études récentes montrent qu’un lien important existe entre certaines compétences linguistiques du jeune enfant (métaphonologie, compréhension verbale et morphosyntaxe) et ses capacités d’acquisition de l’écrit [(Lecocq (1996), Bentolila (1998), Gombert (1990)]. Bien sûr, ces compétences linguistiques reposent elles-mêmes sur certaines capacités physiologiques et sensorielles, et sur la qualité de l’environnement dans lequel évolue l’enfant. C’est dès la petite enfance que ces compétences trouvent leurs bases essentielles. 
Lire nécessite aussi certaines capacités visuelles : un balayage visuel correct et organisé selon le système écrit proposé, des saccades oculaires permettant la prise d’informations, une perception fine permettant en particulier l’identification des lettres et des mots. 
À ces compétences linguistiques et visuelles s’ajoutent des capacités attentionnelles et mnésiques indispensables. L’apprentissage de la lecture requiert des ressources attentionnelles aux niveaux perceptifs. Le lecteur doit être capable de maintenir son attention sur le matériel proposé (visuel ou auditif) et de mobiliser à la fois mémoire de travail et mémoire à long terme (Baddeley et al, 1988). 
Le développement de ces capacités permet habituellement à l’enfant de 5-6 ans d’être prêt à l’apprentissage de l’écrit, apprentissage qui, par ailleurs, renforcera ces capacités. 

Cadre du travail

 

En France, 14,9 % des enfants auraient des difficultés d’apprentissage du langage écrit, et 4 à 5 % des difficultés spécifiques. Reconnus par l’OMS (Organisation mondiale de la santé), les troubles du langage et les troubles d’apprentissage nécessitent des mesures de prévention, qui allient repérage des enfants à risques, dépistage des difficultés et évaluation précise permettant de proposer éventuellement les aides nécessaires et adaptées. Le BSEDS 5-6, tel qu’il est conçu, nous semble un bon outil de dépistage, voire d’évaluation. Nous pensons qu’il pourrait, grâce à une sélection d’items, devenir l’outil d’un repérage rapide – démarche nécessaire aux médecins scolaires –, dans le cadre de la dynamique de prévention qu’ils instaurent en grande section d’école. 

Objectifs
 

L’objectif de notre étude est donc de sélectionner les épreuves cognitives les plus prédictives des capacités à apprendre à lire du jeune enfant. Intégrées au bilan de 5-6 ans, elles permettront d’effectuer un premier repérage des enfants à risques de difficulté scolaire, suivi si nécessaire d’un bilan d’évaluation approfondi. 

Hypothèses

 

Nos hypothèses étaient les suivantes : 

  • a batterie BSEDS 5-6 est prédictive de la capacité à apprendre à lire en CP, et permet donc de repérer, dès la grande section, les enfants à risque d’être en échec lors de l’apprentissage du langage écrit ; 
  • certains items de cette batterie sont plus prédictifs que d’autres des capacités d’apprentissage de l’écrit à 6-7 ans.

Population et méthode

Nous avons proposé le BSEDS à 245 enfants, âgés de 4 ans 11 mois à 7 ans, scolarisés dans 11 classes de grande section, sur le département du Nord, toutes en zone urbaine (3 en REP, 8 hors REP). Tous les élèves de ces classes ont été retenus, sans critère d’exclusion. Pour chacun d’eux a été noté le niveau socioculturel à partir de la classification de Tresmontant (1988), qui retient la profession et le niveau d’études de la mère (ou, à défaut, ceux du père). Nous avons groupé les catégories 1, 2, 3 en niveau favorisé et les catégories 4 et 5 en niveau difficile. Nous avons revu 182 de ces enfants en fin de CP pour évaluer leur niveau de lecture, par la batterie d’Inizan. Les passations ont été réalisées par 6 médecins scolaires. 
Outils

 

Grande section 
Le bilan BSEDS 5-6 est un bilan de santé de la 6e année qui évalue les développements somatique, moteur, social, et cognitif de l'enfant en grande section. Les épreuves sont administrées et associées à un questionnaire rempli pour chaque élève. Il est important que les parents participent au bilan. L’entretien et l’échange entre eux et le médecin scolaire permettent de mieux situer chaque enfant et, si besoin, d’élaborer les suivis nécessaires. 
Le bilan BSEDS 5-6 comporte les 12 épreuves suivantes : 

  • « Reproduction de figures »
  • « Épreuve des cloches »
  • « Reconnaissance de lettres et discrimination des espaces interlettres »
  • « Discrimination phonémique »
  • « Épreuve des logatomes » 
  • « Rimes »
  • « Comptage syllabique » 
  • « Segmentation syllabique »
  • « Désignation d’images (vocabulaire) »
  • « Compréhension orale »
  • « Histoire en images issue de l’EEL de Chevrie-Muller »
  • « Mémoire immédiate des chiffres »


Fin du cours préparatoire 
Pour évaluer le savoir-lire des enfants de notre étude en fin de CP, nous avons choisi la batterie de lecture-écriture INZ1R-T2 d'Inizan qui permet une passation rapide, et collective pour deux des épreuves. Elle a été révisée en l'an 2000, et étalonnée sur une population de 317 enfants de CP. 
Cette batterie comprend trois épreuves évaluant chacune un aspect du savoir-lire : 

  • l'épreuve d'orthographe combinatoire (OC) ; 
  • l'épreuve de compréhension de la lecture silencieuse (CLS) ; 
  • l'épreuve de vitesse de la lecture orale (VLO). 

Ce bilan permet de calculer en fin de CP si l’enfant a acquis ou non le savoir-lire. 

Analyse statistique

L’analyse statistique a été réalisée avec les logiciels ADSO 32 et SPSS 9. Elle consistait en : 
  • une vérification de la normalité des variables pour décider du type de traitement à effectuer ; 
  • le calcul d’une note globale sur les épreuves cognitives ; 
  • différentes études de corrélation pour sélectionner les trois épreuves : 
 
  • entre les épreuves du BSEDS 5-6 et la note globale pour retenir les meilleures corrélations 
 
  • sur les épreuves entre elles 
 
  • entre ces épreuves et trois variables : le niveau socioculturel, le type d’école fréquentée et l’âge de l’enfant au moment du bilan
 
  • entre la note globale du BSEDS 5-6 et les résultats à la batterie de lecture-écriture 
 
  • entre les épreuves du BSEDS 5-6 et la batterie de lecture-écriture 
Résultats

Pour une grande majorité, les variables de l’échelle d’intervalles se sont révélées anormales, ce qui nous a orientés vers l’utilisation du coefficient rhô de Spearman pour nos études de corrélation. 
Les corrélations entre les épreuves du BSEDS 5-6 et la note globale obtenue par chaque enfant à ce bilan sont toutes significatives, sauf pour « l’acuité visuelle ». Les corrélations les plus fortes sont, dans l’ordre décroissant, la « segmentation syllabique », la « compréhension orale », les « rimes », la « reproduction de figures », la « reconnaissance de lettres » et la « discrimination phonémique ». 
Le tableau I indique ces résultats. 

Tableau I : Matrice des corrélations par rangs (rhô) entre la note globale calculée pour le bilan BSEDS 5-6 et les différentes épreuves de ce bilan 

 


V
C
Le
F
A
DP
R
CS
NG
0.282***
0.408***
0.564***
0.603***
0.158
0.559***
0.630***
0.486***

 

 


SS
Lo
DI
CO
G
S
PO
M
NG
0.699***
0.277***
0.457***
0.631***
0.455***
0.491***
0.486***
0.370***

 


Les variables présentées dans ces tableaux sont les suivantes : 
V : Acuité visuelle. C : Épreuve des cloches. Le : Reconnaissance de lettres et discrimination des espaces interlettres. F : Reproduction de figures. A : Acuité auditive. DP : Discrimination phonémique. R : Rimes. 
CS : Comptage syllabique. SS : Segmentation syllabique. Lo : Épreuve des logatomes. DI : Désignation d'images (vocabulaire). CO : Compréhension orale. G : Niveau grammatical correct. S : Présence de subordonnées. PO : Production orale. M : Mémoire des chiffres. NG : Note globale du bilan d’école maternelle BSEDS 5-6. 

Les valeurs du rhô sont indiquées avec un seuil de significativité : 
* : corrélation significative à .10 
** : corrélation significative à .05 
*** : corrélation significative à .01 

En ce qui concerne les épreuves du BSEDS 5-6 entre elles, on constate que toutes les épreuves visuelles sont positivement et significativement corrélées entre elles 

Tableau II : Matrice des corrélations par rangs (rhô) sur les variables du bilan BSEDS 5-6 

 


V
C
Le
F
A
DP
R
CS
V

0.115
0.066
0.207*
0.024
0.017
0.088
0.108
C
0.115

0.228**
0.275***
-0.034
0.260**
0.200*
0.160
Le
0.066
0.228**

0.447***
-0.025
0.305***
0.307***
0.221**
F
0.207*
0.275***
0.447***

-0.061
0.340***
0.315***
0.301***
A
0.024
-0.034
-0.025
-0.061

-0.077
-0.016
-0.056
DP
0.017
0.260**
0.305***
0.340***
-0.077

0.332***
0.233**
R
0.088
0.200*
0.307***
0.315***
-0.016
0.332***

0.237**
CS
0.108
0.160
0.221**
0.301***
-0.056
0.233**
0.237**

SS
0.137
0.248**
0.421***
0.334***
0.042
0.381***
0.510***
0.426***
Lo
0.089
0.068
0.093
0.158
0.014
0.031
0.115
0.143
DI
0.109
0.068
0.269**
0.176*
0.003
0.180*
0.353***
0.214**
CO
0.097
0.270***
0.387***
0.479***
0.017
0.369***
0.406***
0.230**
G
-0.000
0.119
0.218**
0.267**
0.076
0.163
0.242**
0.127
S
0.013
0.141
0.214**
0.288***
0.073
0.280***
0.284***
0.216**
PO
0.104
0.227**
0.267**
0.291***
0.016
0.232**
0.234**
0.347***
M
0.004
0.097
0.207*
0.252**
-0.093
0.180*
0.269**
0.182*

 


V : Acuité visuelle. C : Épreuve des cloches. Le : Reconnaissance de lettres et discrimination des espaces interlettres. F : Reproduction de figures. A : Acuité auditive. DP : Discrimination phonémique. R : Rimes. 
CS : Comptage syllabique. SS : Segmentation syllabique. Lo : Épreuve des logatomes. DI : Désignation d'images (vocabulaire). CO : Compréhension orale. G : Niveau grammatical correct. S. : Présence de subordonnées. PO : Production orale. M : Mémoire des chiffres. 

Les valeurs du rhô sont indiquées avec un seuil de significativité : 
* : corrélation significative à .10 
** : corrélation significative à .05 
*** : corrélation significative à .01 

Tableau III : Matrice des corrélations par rangs (rhô) sur les variables du bilan BSEDS 5-6 

 


SS
Lo
DI
CO
G
S
PO
M
V
0.137
0.089
0.109
0.097
-0.000
0.013
0.104
0.004
C
0.248**
0.068
0.068
0.270***
0.119
0.141
0.227**
0.097
Le
0.421***
0.093
0.269**
0.387***
0.218**
0.214**
0.267**
0.207*
F
0.334***
0.158
0.176*
0.479***
0.267**
0.288***
0.291***
0.252**
A
0.042
0.014
0.003
0.017
0.076
0.073
0.016
-0.093
DP
0.381***
0.031
0.180*
0.369***
0.163
0.280***
0.232**
0.180*
R
0.510***
0.115
0.353***
0.406***
0.088
-0.016
0.234**
0.269**
CS
0.426***
0.143
0.214**
0.230**
0.127
0.216**
0.347***
0.182*
SS

0.114
0.331***
0.451***
0.210**
0.292***
0.273***
0.297***
Lo
0.114

0.134
0.194*
0.070
-0.005
0.204*
0.165
DI
0.331***
0.134

0.364***
0.121
0.086
0.219**
0.074
CO
0.451***
0.194*
0.364***

0.217**
0.185*
0.253**
0.231**
G
0.210**
0.070
0.121
0.217**

0.560***
0.285***
0.177*
S
0.292***
-0.005
0.086
0.185*
0.560***

0.222**
0.136
PO
0.273***
0.204*
0.219**
0.253**
0.285***
0.222**

0.178*
M
0.297***
0.165
0.074
0.231**
0.177*
0.136
0.178*

 

V : Acuité visuelle. C : Épreuve des cloches. Le : Reconnaissance de lettres et discrimination des espaces interlettres. F : Reproduction de figures. A : Acuité auditive. DP : Discrimination phonémique. R : Rimes. 
CS : Comptage syllabique. SS : Segmentation syllabique. Lo : Épreuve des logatomes. DI : Désignation d'images (vocabulaire). CO : Compréhension orale. G : Niveau grammatical correct. S : Présence de subordonnées. PO : Production orale. M : Mémoire des chiffres. 

Les valeurs du rhô sont indiquées avec un seuil de significativité : 
* : corrélation significative à .10 
** : corrélation significative à .05 
*** : corrélation significative à .01 

Nous avons ensuite recherché l’influence de facteurs indépendants (type d’école fréquentée, niveau socioculturel et âge des enfants au moment de l’examen) sur les résultats du bilan. Les épreuves cognitives du BSEDS 5-6 sont essentiellement corrélées au niveau socioculturel. Aucun lien n’est retrouvé entre l’âge des enfants évalués et leurs résultats à ce bilan (cf. tableau IV). 

Tableau IV : Matrice des corrélations par rangs (rhô) 
entre les variables indépendantes et la note globale du BSEDS 5-6 

 


NG
NSC
TE
Âge
NG

0.297***
0.191*
0.056
NSC
0.297***

0.297***
-0.044
Âge
0.056
-0.044
-0.196*

 


Les abréviations utilisées dans ce tableau correspondent aux variables suivantes : 
NG : Note globale du BSEDS 5-6. 
NSC : Niveau socioculturel. 
TE : Type d'école. 

Enfin, nous avons comparé les résultats aux deux batteries, le BSEDS et l’Inizan : 
  • les résultats aux deux batteries sont corrélés entre eux ; 
  • les épreuves de compréhension orale et de segmentation syllabique du BSEDS 5-6 sont les mieux corrélées à la batterie d’Inizan ; 
  • pour les épreuves visuelles, la reconnaissance des lettres du BSEDS 5-6 est la mieux corrélée à la batterie de lecture ; 
  • dans l’ordre décroissant, les autres épreuves corrélées significativement à la batterie d’Inizan sont : 
 
  • la désignation d’images 
 
  • la discrimination phonémique 
 
  • les rimes 
 
  • le comptage syllabique 
 
  • la production orale 
 
  • la présence de subordonnées 
 
  • la reproduction de figures 

L’acuité visuelle, les logatomes ne sont corrélés que de manière peu significative. 

Tableau V : Matrice des corrélations par rangs (rhô) entre, 
d'une part, la batterie de lecture-écriture INZ1R-T2 et la note globale du bilan BSEDS 5-6 
et, d’autre part, la batterie de lecture et les épreuves du bilan d’école maternelle 

 


V
C
Le
F
A
DP
R
CS
SS
BL
0.188*
0.081
0.332***
0.252**
-0.125
0.380***
0.348***
0.361***
0.414***

 


Lo
DI
CO
G
S
PO
M
NG
BL
0.197*
0.388***
0.440***
0.166
0.266**
0.301***
0.146
0.524***

 

V : Acuité visuelle. C : Épreuve des cloches. Le : Reconnaissance de lettres et discrimination des espaces interlettres. F : Reproduction de figures. A : Acuité auditive. DP : Discrimination phonémique. R : Rimes. 
CS : Comptage syllabique. SS : Segmentation syllabique. Lo : Épreuve des logatomes. DI : Désignation d'images (vocabulaire). CO : Compréhension orale. G : Niveau grammatical correct. S : Présence de subordonnées. PO : Production orale. M : Mémoire des chiffres. NG : Note globale du bilan d’école maternelle BSEDS 5-6. BL : Batterie de lecture INZ1R-T2. 
Discussion

 

Notre étude présente un certain nombre de caractéristiques, qui pourraient en relativiser les résultats : 

  • le nombre d’expérimentateurs a pu être source de variations au niveau des appréciations portées et des résultats relevés ; 
  • la perte d’enfants (63) entre deux bilans, liée aux déménagements, doublements, changements d’écoles ; 
  • l’âge des enfants : les épreuves cognitives du BSEDS 5-6 sont étalonnées pour des enfants de 5 à 6 ans ; notre échantillon comportait des enfants âgés de 4,11 à 7,1 ans, ce qui a pu introduire quelques petites variations dans notre étude et induire des effets planchers et plafonds ; 
  • les méthodes de lecture ont pu influencer les résultats des enfants en CP, mais il s’agit d’un élément que nous n’avons pu analyser ; 
  • l’anormalité des variables peut peut-être s’expliquer par un certain nombre de différences entre les échantillons d’origine et le nôtre. Le nombre d’enfants évalués était de 245 pour notre échantillon, alors qu’il comprenait plus de 2 000 enfants pour ceux de l’étalonnage ; nous avions inclus tous les enfants des classes évaluées, sans distinction d’âge, ou distinction sociale, ce qui n’était pas le cas pour les échantillons d’origine (échantillon représentatif des classes sociales, et bilan étalonné pour les enfants âgés de 5 à 6 ans). 

Les corrélations les plus fortes entre chaque épreuve et la note globale au BSEDS concernent des épreuves qui demandent toutes une certaine maturité cognitive, et l’utilisation de la mémoire de travail ; ce sont les épreuves les plus complexes. Au niveau visuel, les trois épreuves ont d’importantes corrélations entre elles, mais c’est surtout la « reproduction de figures » qui entretient le plus d’éléments communs avec les autres épreuves, puis la « reconnaissance de lettres » ; ces deux épreuves sont intéressantes car elles font intervenir notamment des capacités mnésiques et attentionnelles importantes. Les trois épreuves de métaphonologie sont reliées entre elles, ce qui peut probablement s’expliquer par le fait qu’elles font toutes trois appel à une certaine conscience syllabique. Au niveau langagier, l’épreuve de compréhension orale est certainement celle qui met en jeu le plus de compétences cognitives. 
En ce qui concerne les facteurs indépendants, c’est le niveau socioculturel qui est corrélé aux résultats des enfants aux épreuves du BSEDS 5-6, ce qui va dans le sens des connaissances actuelles. En effet, le niveau socioculturel joue un rôle important dans la mise en place du langage chez l’enfant, et les enfants les plus en difficulté au niveau langagier peuvent bien sûr avoir plus de problèmes que les autres pour réaliser les épreuves demandées. 
L’absence de corrélation entre l’âge des enfants et leur résultat au BSEDS est surprenante. Il peut souligner l’impact fort des apprentissages scolaires sur les compétences évaluées. On peut néanmoins suspecter l’existence d’un effet plafond sur certains tests pour les sujets les plus âgés de notre population, ce qui atténue forcément la force de la corrélation. 

Les corrélations établies entre le BSEDS en grande section et la batterie d’Inizan en fin de CP nous amènent à proposer la sélection de cinq items. 
Au niveau visuel : la batterie de lecture étant notre critère externe, nous conserverons l’épreuve de « reconnaissance de lettres » qui est la mieux corrélée ; cette épreuve fait intervenir des compétences visuo-attentionnelles nécessaires lors de l’apprentissage lexique. Conserver une telle épreuve est important pour dépister les enfants susceptibles de devenir dyslexiques dyséidétiques (1). Nous y ajouterons l’item « reproduction de figures », bien corrélé et permettant d’évaluer les capacités praxiques. 
Au niveau auditivo-verbal : c’est incontestablement la « segmentation syllabique » qui est le mieux corrélée à la batterie de lecture, comme au bilan d’école maternelle. Cependant, cette épreuve est considérée comme difficile pour certains enfants lorsqu’elle leur est administrée tôt dans l’année scolaire (en novembre, par exemple). En cas d’échec à cette épreuve, nous proposerions donc à l’enfant l’épreuve de rimes, elle aussi bien corrélée à la batterie de lecture. 
Au niveau langagier : la compréhension orale mérite d’être conservée ; elle intervient fortement lorsque l’enfant commence à se détacher du décodage pour se consacrer un peu plus au sens. 

La démarche de dépistage en grande section consisterait donc à ajouter au bilan médical la passation de 4 à 5 items extraits du BSEDS 5-6 : 

  • reconnaissance de lettres
  • reproduction de figures 
  • segmentation syllabique; si échec, rimes 
  • compréhension orale

Pour tout enfant en difficulté à ces épreuves serait proposé le BSEDS dans son intégralité ou une autre batterie évaluant à la fois troubles du langage et fonctions non verbales. 

Conclusion

 

Les résultats obtenus par les analyses corrélationnelles menées vont tout à fait dans le sens des connaissances théoriques actuelles sur les compétences qui sous-tendent l’apprentissage lexique. 
Pour s’approprier le savoir-lire, l’enfant doit en particulier posséder un niveau de langage correct dans toutes ses composantes, notamment au niveau morphosyntaxique, au niveau métaphonologique et au niveau de la compréhension. Il lui faut également des compétences mnésiques et attentionnelles qui, par ailleurs, continuent de se développer grâce à l’apprentissage de la lecture. 
Chacune des épreuves sélectionnées met en jeu les compétences nécessaires pour aborder l’écrit : des compétences visuelles et visuo-attentionnelles, notamment pour l’épreuve de reconnaissance de lettres, des capacités praxiques pour la reproduction de figures, la conscience syllabique (prérequis de la lecture) pour l’épreuve de segmentation syllabique et de rimes, et la « compréhension » nécessaire pour que se développe une compréhension écrite. Cette épreuve de compréhension évalue notamment l’aspect morphosyntaxique qui est très important en lecture puisqu’il sous-tend la structure des textes et guide l’interprétation que l’on peut en faire. Ces cinq items sont prédictifs à 5-6 ans du niveau de lecture à 7 ans. 

Il est important de développer les démarches qui contribuent à repérer rapidement et précocement tout enfant à risque de difficulté à apprendre à lire-écrire. Les conséquences de ces difficultés sont lourdes ; le mauvais lecteur devient vite mauvais élève, l’échec scolaire génère des troubles du comportement… Prévenir cet échec doit être une priorité. Le plan (http://www.sante.gouv.fr/htm/actu/34_010321.htm) proposé par Jack Lang, alors ministre de l’Éducation nationale, et Bernard Kouchner, alors ministre de la Santé, le 21 mars 2001 va dans ce sens et insiste sur l’importance des concertations qu’il s’agit d’établir entre les professionnels de l’éducation et ceux de la santé. 
Notre étude s’inscrit dans cette démarche : permettre précocement le repérage d’enfants à risques pour leur proposer les aides nécessaires, qu’elles soient pédagogiques ou thérapeutiques. 

Bibliographie
  • Baddeley A. D., Papagno C., Vallar G. (1988), « When long-term learning depends on short-term storage », in Journal of Memory and Language, n° 27, pp. 586-595. 
  • Bentolila A. (1998), « Introduction », in Observatoire national de la lecture, Apprendre à lire au cycle des apprentissages fondamentaux (GS, CP, CE) : analyses, réflexions et propositions, Paris : Odile Jacob-CNDP. 
  • CIMJO (1993), chapitre V : « Troubles mentaux et troubles du comportement », Genève : OMSINT. 
  • Gombert J.-E. (1990), Le Développement métalinguistique, Paris : PUF, coll. « Psychologie d’aujourd’hui ». 
  • Lecocq P., Casalis S., Leuwers C., Watteau N. (1996), Apprentissage de la lecture et compréhension d'énoncés, Paris : Presses universitaires du Septentrion. 
  • Seymour P.H.K. (1996), « Implications des modèles cognitifs dans la rééducation des dyslexies développementales », in Carbonnel S., Gillet P., Martory M.-D., Valdois S., Approche cognitive des troubles de la lecture et de l'écriture chez l'enfant et l'adulte, Marseille : Solal, coll. « Neuropsychologie », pp. 307-323. 
  • Tresmontant C. (1988), Communication. 
  • Zorman M., Jacquier-Roux M., Lepaul D. (1999), BSEDS 5-6 – Bilan de santé évaluation du développement pour la scolarité 5 à 6 ans, Grenoble : Laboratoire Cogni-sciences et apprentissages. 


Dominique Crunelle, orthophoniste et docteur en sciences de l’éducation
Dorothée Querleu, médecin scolaire
Anne Wozniak, médecin scolaire
Marie-France Bles, maître de conférence en linguistique-phonétique
H. Brun, orthophoniste.


Mise en ligne en octobre 2003.

1 Dyslexie dyséidétique : définie par E. Boder (1973) comme:
1° la difficulté manifestée par certains enfants à élaborer une image visuelle stable des mots (trouble de la reconnaissance globale des mots) se caractérisant par une lecture lente et laborieuse par application pénible des règles de transcodage graphémo-phonologiques, avec difficultés majeures pour les mots irréguliers, et
2° par la production, en orthographe, de formes « phonologiquement » acceptables.
Ces enfants semblent lire davantage « par l’oreille », comme les lecteurs « phéniciens » (Baron et Strawson, 1976) qui utilisent préférentiellement la voie phonologique.
La dyslexie dyséidétique de Boder s’apparente à la dyslexie de surface.
© CNDP       http://www.bienlire.education.fr      


01/11/2011
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