POUR UN TRAVAIL COLLABORATIF DES MEN

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Système éducatif & Performance - Devoirs de Vacances - Méthode et Evaluation aux USA

Le blog d'Antoine Flahault

Directeur de l'Ecole des haut Directeur de l'Ecole des hautes études en santé publique

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Devoirs de vacances

Publié le 14 juillet 2010 dans EHESP et Le billet. 0 Commentaire

Tags : éducation nationale, égalité des chances, équité, médecine scolaire, réussite.

 

En Europe comme outre Atlantique, les débats font rage à propos du système éducatif et de sa performance. L’école (primaire et secondaire) garantit-elle l’égalité des chances ou au contraire creuse-t-elle les écarts déjà présents à la naissance entre les groupes sociaux ? Comment améliorer les performances scolaires des enfants ? Faut-il moins d’enfants par classe ? Un plus grand recours aux technologies de l’information ? Plus de sport ? Plus de vacances ? Ou moins ? Une semaine de 5 ou de 4 jours ? Des rythmes plus soutenus ? Ou moins ? Dans notre pays, les médecins scolaires (que l’EHESP forme) se sont depuis longtemps invités au débat. Mais avec quelle méthodologie ? Avec quelles études aujourd’hui disponibles sur le sujet ?

Le sociologue Karl Alexander de Johns Hopkins University a étudié les progrès de 650 enfants depuis le cours préparatoire (first grade) jusqu’au CM2 (5th grade), dans le système scolaire public de Baltimore. Il a publié les résultats de ces recherches en 2001 dans un article paru dans Education Evaluation and Policy Analysis (abstract en Anglais seul disponible gratuitement en ligne). Il a étudié les notes des élèves à des épreuves standardisées évaluant les aptitudes aux mathématiques et à la lecture (California Achievement Test). Ce que montrent Alexander et coll. est d’abord l’absence de différence entre les progrès mesurés durant les mois travaillés de l’année scolaire entre les enfants selon leur milieu socio-culturel, et ce pendant les 5 années du primaire. En revanche, les progrès sur ces deux matières durant les vacances d’été (entre juin et septembre) sont profondément différents entre les enfants aisés et ceux des enfants issus des classes moyennes ou des milieux les plus défavorisés. Les enfants riches à la rentrée de septembre enregistrent un gain à leurs scores de 10 à 15 points en moyenne par rapport à juin, durant chaque année du primaire, tandis que ceux des classes les plus pauvres ne font aucun progrès sur ces matières durant leurs vacances et les enfants des classes moyennes ne font que de très modestes progrès (+2 points).

Ainsi, aux USA tout du moins, ce n’est pas tant l’école qui pose le problème de l’égalité des chances à l’école, que… les vacances ! Que font les enfants des classes aisées pendant leurs vacances qui les différencient tant des enfants les plus pauvres ? Ils vont en summer camp (colonies de vacances, avec cours organisés), ils sont suivis et stimulés par leurs parents (comme en France avec nos classiques cahiers de vacances en rentrant de la plage), et s’ils devaient s’ennuyer seuls à la maison, ils tomberaient sans doute plus facilement sur des livres ou des journaux à leur portée alors que les plus pauvres seront plus souvent devant leur poste de télévision. Les enfants pauvres de Baltimore n’apprennent plus rien dès que l’école est fermée. Et comme l’école est beaucoup plus souvent fermée à Baltimore (et dans le reste des USA, ainsi qu’en Europe) qu’en Corée ou au Japon  (respectivement 180 jours à Baltimore, 220 en Corée, et 243 jours au Japon), il n’est pas étonnant que l’ascenseur social soit en panne aux USA, et que les meilleures places dans les colleges (premiers cycles des universités) sont prises, dans l’univers fortement compétitif nord-américain, par les jeunes issus des classes aisées et par les étrangers d’origine asiatique.

Comme l’indique Malcolm Gladwell qui cite les travaux d’Alexander dans son ouvrage Outliers, il ne faut sans doute « pas se focaliser tant sur la taille des classes et leur niveau d’équipement informatique si l’on veut redonner leurs chances aux couches les moins favorisées de la société, que de se préoccuper des périodes pendant lesquelles ces enfants ne sont pas en classe, pour leur offrir les mêmes accès aux savoirs que leurs homologues des classes aisées de la société« .

Lorsque l’on sait le poids des déterminants sociaux sur la santé, l’égalité des chances des enfants dès l’école primaire doit être une priorité dans nos grandes démocraties. Et cela passera peut-être, au moins aux USA, par plus d’école (ou plus d’école à l’intérieur des vacances), avant même de passer par une école mieux dotée, même si l’un n’empêche pas de rêver à l’autre.

A quand des études similaires dans notre pays ?

En attendant, enfants de tous pays, à vos cahiers de vacances !



01/11/2011
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