POUR UN TRAVAIL COLLABORATIF DES MEN

POUR UN TRAVAIL COLLABORATIF DES MEN

Rythmes et performances : approche chronopsychologique

Pour optimiser le choix du créneau horaire pour l’évaluation des élèves tant par le médecin de l’éducation nationale, la psychologue scolaire ou l’équipe pédagogique,  l’éclairage de l’approche chronopsychologique journalière est essentielle. Elle s’appliquera aussi avec bénéfice à toutes personnes effectuant des bilans d’évaluation comme les orthophoniste, orthoptistes, psychomotriciennes, psychologue clinicienne... On retiendra d’éviter les débutsde journée et début d’après-midi en favorisant les milieux et fin de matinée ou après-midi.

 

Rythmes et performances : approche chronopsychologique

(publication Inserm)

Avant de présenter les principales données chronopsychologiques ayant trait aux rythmes et aux performances de l’enfant, il semble nécessaire de préciser que la plupart des rythmes de performances ont été étudiés en milieu scolaire et, de ce fait, ont été dénommés rythmes scolaires.

L’expression est ambiguë dans la mesure où ils peuvent être définis de deux manières. Soit ils sont assimilés aux emplois du temps et aux calendriers scolaires, soit ils sont compris comme les fluctuations périodiques des processus physiologiques, physiques et psychologiques des enfants et des adolescents en situation sco- laire. Nous sommes là confrontés à deux rythmicités : l’une, environnementale, imposée par l’adulte, l’autre, endogène, propre aux élèves.

Les données chronobiologiques et chronopsychologiques sur les rythmes de vie de l’élève sont rares. Deux raisons au moins peuvent être invoquées. La première est liée à la jeunesse de la chronobiologie et de la chronopsychologie. Dans le domaine scolaire, les possibilités d’études objectives sont limitées par des questions d’éthique (la classe n’est pas un laboratoire, son fonctionnement habituel doit être préservé). La seconde raison est d’ordre méthodologique : la répétition d’une même épreuve avec les mêmes élèves, au cours d’une journée, d’une semaine, génère un processus d’apprentissage qui risque de masquer les variations périodiques de l’activité intellectuelle. Cet écueil méthodologique n’est pas facile à contourner.

Données chronobiologiques

Les recherches qui relèvent de la chronobiologie de l’enfant se répartissent sur deux principaux axes : l’étude du rythme veille-sommeil et les fluctuations périodiques de certaines variables comportementales et physiologiques.

De la durée et de la qualité du sommeil nocturne et diurne dépendent l’adaptation des comportements à la situation scolaire et, par voie de conséquence, le niveau de vigilance et les performances intellectuelles (Nesca et Koulack, 1994 ; Dotto, 1996 ; Billon-Descarpentries, 1997 ; Randazzo et coll., 1998 ; Batejat et coll., 1999). Par ailleurs, sa durée varie selon les enfants, selon leur âge et selon leur origine géographique.

ANALYSE

Rythmes de l’enfant

Variation de la durée de sommeil selon les enfants

Il est possible de répartir les enfants d’une même classe d’âge en quatre catégories : les grands dormeurs nocturnes, les petits dormeurs nocturnes, les grands dormeurs diurnes et les petits dormeurs diurnes (Koch et coll., 1984). Il existe donc d’un enfant à un autre une grande variabilité dans la durée du sommeil et il importe que chacun ait « sa dose individuelle » permettant la récupération des fatigues physique et intellectuelle.

Variation de la durée de sommeil avec l’âge

Les besoins de sommeil nocturne et diurne sont les plus importants dans les premières années et s’atténuent progressivement jusqu’à l’âge adulte. La durée moyenne de sommeil nocturne diminue d’environ trois heures de l’âge de 4 ans (690 min) à l’âge de 17 ans (500 min). De plus, il a été constaté que, au cours des premières semaines de la vie, les réveils intercycles deviennent de plus en plus rares et que les phases de sommeil diurne disparaissent les unes après les autres. Seule la sieste demeure entre 2 et 5 ans (Kleitman et Engel- man, 1963 ; Parmelee, 1961 ; Montagner, 1983).

Variation de la durée de sommeil avec l’origine géographique

La durée du sommeil nocturne peut également dépendre du lieu de vie de l’enfant. C’est ainsi que les enfants du milieu rural tendent à plus dormir la nuit que ceux du milieu urbain, que les nuits de sommeil des jeunes Martiniquais ou de jeunes Espagnols durent moins longtemps que celles des enfants de Tours (France) (Testu, 1994a ; Testu et coll., 1995).

Toujours à propos du sommeil, il faut souligner chez les êtres humains et plus particulièrement chez les jeunes enfants, la faculté de réguler leur durée de sommeil nuit par nuit. C’est ainsi qu’il a été montré que, dans la semaine traditionnelle française (4 jours et demi de classe, dont le samedi matin), les nuits du mardi au mercredi et du samedi au dimanche sont plus longues que les autres nuits de la semaine, dans la mesure où les enfants, en congé, peuvent se lever plus tard dans la matinée (Testu, 2000). Grâce à ce processus de régula- tion, un manque occasionnel de sommeil n’aura pas, ou peu, de conséquences sur les comportements scolaires. En revanche, une privation régulière de sommeil, liée à des emplois du temps inadaptés, nuira au développement psychologique et physiologique de l’élève. Malheureusement, l’école mater- nelle ou primaire débutant tôt le matin, trop de réveils sont provoqués. Ainsi, par exemple, pour les 6-7 ans, 46 % des « gros dormeurs nocturnes » (11 h 17 à 12 h 13 de sommeil) et 20 % des « petits dormeurs nocturnes » ont un réveil provoqué en période scolaire.

Enfin, il a été mis en évidence, notamment par Montagner (1983) que deux moments sont difficiles à gérer aux plans physiologique et comportemental :

Rythmes et performances : approche chronopsychologique

l’entrée en classe et le « creux d’après-déjeuner ». Ces périodes sont d’autant plus marquées et longues que les enfants sont jeunes.

Ces données doivent être prises en compte non seulement à l’école, mais également en dehors de l’école pour favoriser le développement du jeune enfant. La famille a alors un rôle primordial (Billon-Descarpentries, 1997 ; Almeida et McDonald, 1998).

Données chronopsychologiques

Les recherches en chronopsychologie scolaire, c’est-à-dire l’étude des variations périodiques des comportements de l’élève, portent généralement sur la rythmicité journalière et rarement sur la semaine. Aujourd’hui, grâce aux travaux conduits en France, il est possible de considérer que l’activité intellectuelle des élèves fluctue au cours de la journée et de la semaine, la nature des deux types de fluctuations étant différente (Montagner, 1983, 1984 ; Guérin et coll., 1993 ; Delvolvé et coll., 1992 ; Adan et Guardia, 1993 ; Leconte- Lambert, 1994 ; Montagner et Testu, 1996 ; Folkard et coll., 1977 ; Batejat et coll., 1999 ; Testu, 2000).

Fluctuations journalières et hebdomadaires de l’activité intellectuelle

Les fluctuations journalières peuvent être réellement qualifiées de rythmes psychologiques tandis que les fluctuations hebdomadaires résultent de l’in- fluence des emplois du temps hebdomadaires.

Fluctuations journalières

Les fluctuations journalières de la vigilance et des performances intellectuelles se manifestent tant au plan quantitatif qu’au plan qualitatif. En effet, non seulement les scores bruts aux tests mais également les stratégies de traitement de l’information fluctuent au cours de la journée. La fluctuation journalière est généralement la suivante : le niveau de vigilance et les performances psychotechniques progressent du début jusqu’à la fin de la matinée scolaire, s’abais- sent après le déjeuner, puis progressent à nouveau au cours de l’après-midi scolaire (figure 4.1).

On observe pratiquement la même évolution journalière lorsque des élèves de 10-11ans doivent résoudre des problèmes multiplicatifs, soit en appliquant la « règle de trois » (retour à l’unité), soit en percevant la proportionnalité (procédure canonique). Lorsque les problèmes sont réussis, la procédure cano- nique est plus ou moins appliquée selon les moments de la journée. L’élève perçoit plus la proportionnalité à 11 h 20 (90 %) ou 16 h 20 (75 %) qu’à 8 h 20 (70 %) ou 13 h 40 (70 %) (Testu et Baillé, 1983). Les variations des comportements d’adaptation à la situation scolaire observées en classe corro- borent celles dégagées par les performances à des tests psychotechniques (Dubois et coll., 1992 ; Testu, 1994b) (figure 4.2). 53

ANALYSE

Performances (% du total journalier) Performances (% du total journalier)

Rythmes de l’enfan

Épreuve verbale Structuration spatiale Opérations

8 h 40

11 h 20 Heure du jour

13 h 40

16 h 20

Figure 4.1 : Variations journalières des performances d’élèves de 10-11 ans à trois épreuves (verbale, structuration spatiale, calcul rapide/additions) (d’après Testu, 1994b)

50 40 30 20 10

0

9-10

11-12 Heure du jour

Vigilance Non-éveil Agitation

15-16

13-14

Figure 4.2 : Fluctuations journalières des performances au barrage de nombres

et des comportements d’agitation d’élèves anglais de 6-7 ans (d’après Testu, 54 1994)

Rythmes et performances : approche chronopsychologique

Il existerait donc indépendamment de l’origine géographique des enfants et des modes de vie scolaire, deux moments reconnus comme « difficiles » : les débuts de matinée et d’après-midi (creux postprandial). Il est à noter que les moments reconnus comme difficiles au plan chronopsychologique sont les mêmes que ceux mis en évidence au plan chronobiologique.

Ainsi, pour une très forte majorité d’élèves du cycle primaire (6-11 ans), leur vigilance et leurs performances intellectuelles fluctuent selon le profil désor- mais classique dégagé avec précision en 1916, aux États-Unis, par Gates. Cette même rythmicité journalière qui a été mise en évidence non seulement en France, mais également en Grande-Bretagne, en Allemagne, en Espagne (Testu, 1994b) témoigne d’une relative indépendance des variations diurnes de l’activité intellectuelle par rapport aux synchroniseurs « emplois du temp- s journaliers et hebdomadaires » (figure 4.3).

30 26

22 18

14 10

France Espagne Allemagne

Grande-Bretagne

8-9 9-10 10-11 11-12 12-13 13-14 14-15 15-16 16-17 Heure du jour

Figure 4.3 : Variations journalières de la vigilance d’enfants européens de 6-7 ans (d’après Testu, 1994b)

Rythmicité hebdomadaire

Il semble que la présence de cette variation journalière caractéristique puisse être considérée comme le témoignage d’une adéquation entre les emplois du temps scolaires journaliers et hebdomadaires et les rythmes de vie des enfants. En revanche, cet équilibre n’existe plus lorsque la vie scolaire ne comprend, comme parfois en France, que 4 jours : lundi, mardi, jeudi et vendredi (Del- volvé et Davila, 1996 ; Fotinos et Testu, 1996). Dans ce cas, la rythmicité journalière classique disparaît pour laisser place à une rythmicité inversée 55

Vigilance (nombres barrés en 30 s)

ANALYSE

Rythmes de l’enfant

(figure 4.4). L’inversion qui semblerait alors refléter un phénomène de désyn- chronisation est accompagnée d’une baisse du niveau de performances.

25

20

15

4,5 jours 4 jours (site 1) 4 jours (site 2)

16 h 20

8 h 40

11 h 20 Heure du jour

13 h 40

Figure 4.4 : Fluctuations journalières de la vigilance d’élèves de 6-7 ans tra- vaillant 4 jours (2 sites géographiques différents) ou 4,5 jours par semaine (lundi, mardi, jeudi, vendredi, samedi matin) (d’après Testu, 1994b)

Lorsque la semaine scolaire comprend 5 jours ou 4 jours et demi, ce phéno- mène de désynchronisation ne se manifeste, pour certains enfants, que le lundi faisant suite à un congé de fin de semaine d’un jour et demi. Dans une semaine scolaire de ce type, les élèves réalisent leurs meilleures performances le jeudi et le vendredi matin, et les moins bonnes le lundi et, à un degré moindre, pendant la demi-journée précédant le congé de fin de semaine, généralement le samedi matin, occasionnellement le vendredi après-midi (Testu, 1994b ; Beau et coll., 1999) (figure 4.5)

Interaction jour/heures

Le choix du moment de la journée, de la semaine est non seulement important pour l’apprentissage d’une tâche, mais également pour l’utilisation de ce qui a été appris. Les résultats d’une des expériences de Testu, entreprise au cours élémentaire 2e année, montrent en effet que si l’on fait apprendre à un premier groupe G 1 (12 sujets de 9 ans et demi) une liste de 14 noms, un jeudi à 11 heures et si l’on récupère ce « matériel » une semaine plus tard toujours à

56 11 heures, le nombre de noms restitués est de 52 % plus élevé que celui d’un

Vigilance (nombres barrés en 30 s)

Vigilance (nombres barrés en 30 s)

ANALYSE

Rythmes et performances : approche chronopsychologique

23

21

19

17

15

France Espagne Allemagne

Grande-Bretagne

vendredi

lundi

mardi

mercredi

jeudi

Figure 4.5 : Fluctuations hebdomadaires des niveaux de vigilance d’élèves européens de 6-7 ans (d’après Testu, 1994b)

deuxième groupe G 2 (équivalent au premier, notamment d’un point de vue mnémonique) qui a appris la même liste un lundi à 11 heures et récupéré sept jours plus tard à 11 heures (Testu, 1982). Ces résultats sont confortés par ceux d’une autre recherche menée auprès de 103 élèves de 10-11 ans, où il est notamment montré que la restitution différée de l’information dépend non seulement de l’heure et du jour de sa passation, mais également de l’heure du rappel différé (Testu et Clarisse, 1999).

Ces dernières données peuvent paraître en contradiction avec celles de Folk- ard et coll. (1977) qui montrent une incidence du moment d’apprentissage sur les récupérations immédiate et différée, mais ne trouvent pas d’influence du moment du rappel différé sur la récupération différée. Ceci peut s’expliquer de trois façons : d’une part, Folkard et ses collaborateurs ne semblent pas tenir compte du jour de la semaine ; d’autre part, les heures de passation diffèrent : 9 heures et 15 heures dans l’expérience de Folkard, 11 heures et 14 heures dans l’expérience de Testu ; enfin, la tâche proposée n’est pas la même : dans un cas, audition d’une histoire et questionnaire, dans l’autre, apprentissage d’une liste de noms.

Les travaux précités ont donc permis de vérifier l’existence de fluctuations journalières et hebdomadaires de l’activité intellectuelle de l’élève et de confirmer les profils dégagés par les toutes premières recherches chronopsy- chologiques de Gates (1916) et de Winch (1911, 1912, 1913) et par les travaux plus récents d’Ebbinghaus (1964), Blake (1967a), Colquhoun (1971) 57

Rythmes de l’enfant

et Rutenfranz et Hellbrügge (1957). Ils ont également contribué à considérer l’influence de l’âge sur la rythmicité psychologique.

Développement et âge des rythmes

L’étude comparative des résultats d’expériences entreprises auprès d’élèves de collège, 11-12 ans (Jean-Guillaume, 1974) ou 15-16 ans (Testu, 1979), et d’écoles maternelles (5-6 ans, Laude, 1974) permet de noter que les « pics » et les « creux » se produisent parfois à des moments différents de la journée et de la semaine. Une des expériences de Testu (1979) conduit à penser que le principal facteur explicatif de ces légères divergences est l’âge.

Âge et profils journaliers de performances mentales

Dans cette expérience, trois niveaux d’âge étaient testés : 6-7 ans (50 enfants de cours préparatoire), 8-9 ans (48 enfants de cours élémentaire) et 10-11 ans (48 enfants de cours moyen). Les épreuves proposées étaient des « barrages de nombres et de figures ». Il est alors constaté que, tout en présentant des similitudes, les profils journaliers évoluent avec l’âge des élèves. Sur la figure 4.6 les profils journaliers des groupes expérimentaux d’enfants de CP, CE2, CM2 à trois épreuves psychotechniques (barrage de nombres, addition, barrage de figures) sont exprimés en pourcentages du score total par heure. Au cours de la journée, le niveau de performance s’élève en fin de matinée pour les trois tranches d’âge. L’après-midi, les enfants les plus jeunes (5-9 ans) réalisent de faibles performances. En revanche, les élèves plus âgés du cours moyen (10-11 ans) obtiennent des résultats égaux à ceux du matin. La reprise de l’activité intellectuelle l’après-midi est proportionnelle à l’âge. Elle reste faible au cours préparatoire et s’élève chez les plus âgés. Nous retrouvons dans le domaine des performances mentales une évolution progressive des variations journalières avec l’âge, déjà observée par Rutenfranz (1961) ou Hellbrügge (1968), avec des indices physiologiques, et par Fischer et Ulich (1961), avec une épreuve de calcul rapide.

Développement de la rythmicité journalière

Ces premières recherches ont été étendues et approfondies par d’autres tra- vaux conduits auprès d’enfants d’écoles maternelles et primaires (Testu, 2000). Ils permettent de constater qu’en moyenne section de maternelle (4-5 ans) la vigilance décroît entre le début et la fin de chaque séquence de 60 minutes d’enseignement (à un degré moindre entre 9 heures et 10 heures), la performance de la fin d’une séquence étant significativement inférieure à celle du début de la séquence suivante. Inversement, au cours moyen seconde année (10-11 ans), la vigilance progresse du début à la fin de chaque séquence de 60 minutes et, à l’exception du creux d’» après-déjeuner », de la fin d’une séquence au début de la séquence suivante. La rythmicité des enfants du cours

58 préparatoire (6-7ans) est, le matin, proche de celle des enfants de moyenne

Rythmes et performances : approche chronopsychologique

19

18

17 16 15

19

18

17 16 15

19

18

17 16 15

CP

CE2

CM2

Heure du jour

barrage nombres barrage figures

barrage nombres additions barrage figures

barrage nombres additions barrage figures

Figure 4.6 : Profils journaliers des performances d’enfants d’âge différent (d’après Testu, 1982)

59

8 h 40 9 h 50 11 h 20 13 h 40

14 h 50 16 h 20

Performances (% du total journalier)

8 h 40

9 h 50 11 h 20 13 h 40 14 h 50 16 h 20

8 h 40

9 h 50 11 h 20 13 h 40 14 h 50 16 h 20

ANALYSE

Rythmes de l’enfant

section, alors que l’après-midi elle est semblable à celle des élèves de CM2, indiquant que la rythmicité classique est pratiquement en place.

L’étude de l’interaction entre l’âge et la performance à l’épreuve de vigilance selon l’heure de la journée permet de concevoir des fluctuations à dominante ultradienne (rapides, donc) en moyenne section de maternelle et à dominante circadienne en CP (6-7 ans) et, surtout, au CM2 (10-11 ans). La présence, en moyenne section, d’une rythmicité ultradienne d’une période d’environ 90 minutes permet de comprendre l’inversion des profils observés entre les études de maternelle et celles d’école primaire. En effet, dans le cas d’une prise de mesures 4 fois par jour, au cours de chaque demi-journée, la première passation et la seconde correspondent respectivement au début d’une pre- mière période et à la fin d’une seconde. Au CM2, l’enfant a acquis un profil de variations de la vigilance dit « classique ». Chez ces élèves, les variations journalières ne sont pas marquées par une rythmicité ultradienne (figure 4.7). L’augmentation du nombre de mesures (8 au lieu de 4 classiquement) permet de mettre en évidence la variation ultradienne de la vigilance chez les enfants de maternelle.

Ainsi, similairement aux rythmes biologiques, la rythmicité ultradienne do- mine les variations de la vigilance les premières années de la scolarité, puis laisse progressivement apparaître une rythmicité circadienne.

Âge et profils hebdomadaires de performances mentales

Au cours de la semaine traditionnelle française (4 jours et demi de classe dont le samedi matin), les meilleures demi-journées diffèrent également. Le cours préparatoire atteint son plus haut niveau le jeudi après-midi et les cours élémentaires et moyens le vendredi matin. La coupure du week-end semble se répercuter sur le jour qui le suit (lundi) et la demi-journée qui le précède (samedi matin ici) pour tous les élèves, quel que soit leur âge ; mais elle est encore plus ressentie au cours préparatoire (Testu, 1979).

En tenant compte des résultats de Laude (1974) obtenus en maternelle, de Jean-Guillaume (1974) obtenus avec des élèves de 11 à 13 ans ou de ceux obtenus auprès de sujets plus vieux (14-16 ans) (Testu, 1979), on peut remar- quer que les demi-journées où l’on observe les meilleures performances sont d’autant plus décalées vers la fin de la semaine que les sujets sont plus âgés : au cours préparatoire (6-7 ans), l’après-midi du jeudi est la meilleure période, au cours élémentaire 2e année (8-9 ans) et au cours moyen 2e année (10-11 ans), le vendredi matin et, en 4e et 3e de section d’éducation spécialisée (14- 16 ans), le vendredi après-midi. Il faut préciser que l’influence négative du week-end est perceptible dès le vendredi après-midi et se prolonge jusqu’au mardi matin lorsque celui-ci dure deux jours pleins (Brand, 1996 ; Delvolvé et Jeunier, 1999).

Les données précédentes, recueillies en France et en Europe, ne sont pas

retrouvées lorsque l’étude de l’influence de l’aménagement hebdomadaire du 60 temps scolaire est menée en Iran où le vendredi est le jour de repos. Le jeudi

Rythmes et performances : approche chronopsychologique

120 110 100

90 80

120 110 100

90 80

120 110 100

90 80

MS

CP

CM2

Horaires des passations

8 passations 4 passations

Figure 4.7 : Évolutions journalière et ultradienne de la vigilance d’élèves en moyenne section de maternelle (MS, 4-5 ans), de cours préparatoire (CP, 6-7 ans) et de cours moyen seconde année (CM2, 10-11 ans) (d’après Testu, 2000)

61

Performance (% de la performance journalière moyenne)

8 h 50 9 h 50

10 h 20 11 h 20

13 h 50 14 h 50

15 h 20 16 h 20

8 h 50 9 h 50

10 h 20 11 h 20

13 h 50 14 h 50

15 h 20 16 h 20

9 h 00 10 h 00

10 h 15 11 h 15

14 h 00 15 h 00

15 h 15 16 h 15

ANALYSE

Rythmes de l’enfant

après-midi et le samedi deviennent alors les périodes de moins bonnes perfor- mances mentales (Charifi, 1994). L’emplacement des moins bons jours de performances semble donc, non seulement dépendre de l’âge des élèves, mais également de l’aménagement hebdomadaire du temps scolaire. À la différence des fluctuations journalières, les variations hebdomadaires de l’activité intel- lectuelle seraient plus le reflet de l’aménagement du temps que d’une rythmi- cité endogène propre à l’élève.

S’il est possible de constater que la rythmicité scolaire se module avec l’âge, il faut également savoir que d’autres facteurs, soit de différenciation interindivi- duelle, soit de situation, influent sur les variations périodiques de performan- ces.

Facteurs susceptibles de modifier les variations périodiques de performances

La chronopsychologie étant une discipline récente, les chercheurs ont d’abord voulu établir des constats, puis dégager des lois générales avant de considérer des possibles différences interindividuelles.

Facteurs de différenciation interindividuelle

D’hypothétiques différences de rythmes ont cependant été testées : • chezdesadultesdu«matin»oudu«soir»(Pátkai,1970,1971;Akerstedt et Froberg, 1976 ; Horne et coll., 1980 ; Chebat et coll., 1997) ; • chez des adultes extravertis ou introvertis (Colquhoun, 1960 ; Pátkai, 1970 ; Blake, 1967b ; Revelle et coll., 1980 ; Sexton-Radex et Harris, 1992) ; • chez des adultes différents selon des traits de personnalité établis par Jung (1960), Westman et Canter (1979).

Les recherches spécifiques à l’enfant sont malheureusement peu avancées. On entrevoit des variations de rythmicité liées au sexe, au niveau scolaire ou au fait d’être du matin ou du soir (Querrioux-Coulombier et Gil, 1991), mais la seule approche chronopsychologique différentielle objective entreprise jusqu’à maintenant concerne la dépendance-indépendance à l’égard du champ (Lambert, 1987).

Dépendance-indépendance à l’égard du champ

Le style cognitif dépendance-indépendance à l’égard du champ (DIC) est principalement décrit par Witkin et coll. (1978) et Huteau (1975, 1980, 1984, 1987) comme la « capacité de structuration-déstructuration, non seulement du champ perceptif mais aussi du champ représentatif sur lequel le sujet opère » (Huteau, 1987). Les individus sont répartis sur un continuum selon

62 qu’ils possèdent plus ou moins cette faculté : à une extrémité du continuum,

Rythmes et performances : approche chronopsychologique

les sujets indépendants perçoivent analytiquement le champ environnant, ils peuvent distinguer du contexte général les traits essentiels et dominants tandis que, à l’autre extrémité, les sujets dépendants ne se détachent pas du contexte dominant et réagissent globalement à la situation sans en analyser les divers éléments. Le contexte, le champ, peut tout aussi bien être perceptif que cognitif ou bien encore psychosocial.

Dans l’une des expériences de Testu (1984) où la variable DIC est prise en compte, il est observé que seules les performances intellectuelles journalières des élèves dépendants fluctuent selon le profil généralement rencontré : pro- gression le matin, creux d’après-déjeuner, nouvelle progression l’après-midi. Les recherches entreprises par Lambert (1987) aboutissent à un constat simi- laire : les enfants de collège dépendants se « montrent toujours plus fluctuants que les indépendants au cours des diverses passations ».

Il semble donc que nous puissions considérer que les performances intellec- tuelles des sujets dépendants à l’égard du champ sont plus sujettes à des fluctuations périodiques que celles des sujets indépendants. Il faut toutefois souligner que, dans l’étude de Leconte-Lambert comme dans celle de Testu, les erreurs des dépendants aux exercices sont supérieures à celles des indépen- dants et l’on peut ainsi supposer que le niveau de réussite aux épreuves et plus généralement le niveau scolaire constituent des facteurs influant sur la ryth- micité.

Niveau scolaire

Le niveau scolaire doit être ici compris comme le degré d’efficience aux exercices scolaires. Si aucune étude systématique n’a été entreprise dans cette perspective, il est cependant possible de constater que : • lesperformancesd’élèvesdesectiond’éducationspécialisée,élèvesdefaible niveau scolaire, sont affectées par de fortes fluctuations alors que ce n’est pas le cas pour des élèves du même âge du cycle normal soumis aux mêmes épreuves (opérations, dictées, conjugaisons) (Testu, 1982) ;

• les enfants de cours moyen 2e année (10-11 ans) présentent des variations journalières dans leurs scores à des problèmes mathématiques, seulement en début d’apprentissage (Testu, 1988) ; • seuls les résultats à des dictées d’élèves du cours moyen 2e année considérés comme faibles ou moyens par les enseignants fluctuent au cours de la journée et de la semaine (Testu, 1982).

Il semble donc que plus le niveau de réussite des élèves aux exercices scolaires est élevé, moins leurs résultats varient au cours de la journée et de la semaine.

Ainsi, l’étude des facteurs de différenciation interindividuelle commence seulement à être entreprise et il convient d’élargir son champ et de prendre en compte d’autres facteurs, notamment les origines sociales, géographiques ou bien encore le sexe. 63

ANALYSE

Rythmes de l’enfant

Appartenance à des zones d’éducation prioritaire (ZEP)

Rappelons que dans les années soixante-dix, des opérations « habitat et vie sociale » sont lancées pour réhabiliter les logements et réaliser un programme d’actions culturelles et sociales. En 1981, à la suite d’incidents survenus dans certaines banlieues, le gouvernement établit un plan d’actions pour les quar- tiers déshérités. Est alors mis en place un renforcement sélectif de l’action éducative dans les zones et milieux sociaux où le taux d’échecs scolaires est le plus élevé. Les ZEP sont créées. La majorité de ces ZEP est située dans les quartiers populaires ou à la périphérie des grandes villes, bien que quelques zones rurales aient été retenues.

Les études dans les ZEP permettent d’observer que les élèves les fréquentant présentent une rythmicité journalière et hebdomadaire plus marquée et/ou atypique (courbe journalière inversée notamment) (Testu et coll., 1998, 1999). Il faut noter que cette spécificité dans la rythmicité semble plus liée à une répartition différente de la vigilance dans la journée ou la semaine qu’à la réussite scolaire. La vigilance des élèves de ZEP testée à l’aide du barrage de nombres est généralement égale, voire supérieure à celle des autres élèves.

Ainsi, dans deux recherches menées respectivement auprès d’enfants de grande section de maternelle (5-6 ans) (Testu, 2000) et de cours moyen 2e année (10-11 ans) (Testu, 1998, 1999), il est observé que les performances de vigilance des élèves appartenant à une ZEP sont plus élevées et plus variables journalièrement que celles obtenues par des élèves n’appartenant pas à une ZEP.

Déficience intellectuelle

La recherche menée entre 1996 et 1998 par Testu et Renoton (1998), qui portait sur les rythmes de vie des déficients intellectuels scolarisés dans les Instituts médico-éducatifs a permis de retrouver, chez ces enfants, la rythmi- cité classique mise en évidence auprès d’élèves de l’école primaire. Il semble donc que la déficience intellectuelle puisse ne pas être caractérisée par des rythmes spécifiques lorsque les enfants sont scolarisés d’une manière classique.

Milieu rural ou urbain

Houssin (1992) compare les résultats obtenus en milieu rural ou urbain à des tests de vigilance et à des épreuves scolaires. Il met en parallèle les fluctuations journalières et hebdomadaires des performances intellectuelles mises en évi- dence dans les deux milieux. Au plan hebdomadaire, il n’est pas noté en milieu rural de fluctuations aussi marquées qu’en milieu urbain, le lundi demeurant le plus mauvais jour de la semaine pour l’attention sélective (double barrage de figures) des enfants de 6-7 ans (cours préparatoire) et pour la vigilance (barrage de nombres) des élèves de 9-11 ans (cours moyen). Au plan journalier, on ne retrouve en milieu rural des fluctuations « classiques » que pour les plus jeunes du CP (6-7 ans). Toujours en milieu rural, la rythmi-

64 cité journalière tend à s’atténuer, voire à disparaître avec l’âge (de 7 à 11 ans).

Rythmes et performances : approche chronopsychologique

Le principal point de différence que l’on peut retenir de ce travail conduit auprès de 26 enfants fréquentant deux écoles rurales d’un regroupement péda- gogique intercommunal (RPI) se résume à des fluctuations hebdomadaires moins prononcées en milieu rural, avec des performances du lundi sensible- ment identiques à celles des autres jours.

Cette recherche permet d’entrevoir l’influence de la durée et des activités extra-scolaires du week-end sur la rythmicité scolaire, activités qui seraient elles-mêmes dépendantes du milieu socioculturel de l’élève.

Facteurs de situation

Outre ces variables liées aux sujets, plusieurs recherches laissent apparaître une influence inhérente à la tâche elle-même et aux conditions dans lesquel- les elle s’effectue. Il s’agit soit de la tâche proprement dite, soit des conditions dans lesquelles elle est exécutée.

Conditions d’exécution de la tâche

Elles ont été analysées dans une expérience réalisée simultanément auprès de deux classes de 4e (âge moyen : 14-15 ans) et de deux classes de 3e (âge moyen : 15-16 ans). Cette expérience a permis d’observer l’influence de l’en- seignement des élèves (ici, présence ou absence d’» atelier » dans l’emploi du temps) sur la rythmicité intellectuelle. C’est ainsi que l’on a proposé un barrage de nombres et des additions, quatre fois dans la journée, durant deux semaines, aux élèves d’une section d’éducation spécialisée (aujourd’hui appe- lée SEGPA) répartis en trois groupes équivalents : l’un, G 1, ayant son emploi du temps habituel (alternance par demi-journée classe-atelier), l’autre, G 2, classe toute la journée et enfin G 3, atelier toute la journée. Les performances de ce dernier groupe G 3 sont supérieures à celles des deux autres et sont du même niveau au cours de la journée ainsi qu’au cours de la semaine (Testu, 1982).

Le fait d’accomplir une tâche différente de celle habituellement exécutée dans un lieu, lui aussi inhabituel, serait au même titre que la connaissance des résultats (Blake, 1971), un facteur motivant et, comme l’écrit Fraisse en 1980, « une bonne motivation diminue l’amplitude des variations circadiennes des performances ».

Nature de la tâche

Les recherches de chronopsychologie entreprises auprès d’adultes montrent que les fluctuations journalières de leurs performances diffèrent selon la nature de la tâche (perceptivomotrice ou mentale, mnémonique à court ou à long terme, à faible ou forte charge mnémonique, avec traitement automatique ou contrôlé de l’information) (Adan, 1993). Ceci conduit à penser qu’il en est de même chez l’enfant et que la dépendance de l’efficience mentale à des épreu- ves psychotechniques par rapport à l’heure, mais également par rapport au jour, varie avec la nature de la tâche. 65

ANALYSE

Rythmes de l’enfant

Dès 1912, Winch montre que les performances d’élèves anglais fluctuent différemment au cours de la journée selon qu’on leur propose des tests de mémoire immédiate ou des problèmes d’arithmétique. Pour les premières épreuves, les résultats du matin (8 heures 45) sont supérieurs à ceux de l’après- midi (16 heures) ; inversement, pour les secondes, les résultats de l’après-midi sont les meilleurs. Gates, en 1916, confirme ces modulations de profils journa- liers de performances en fonction de l’exercice exécuté.

Pour analyser l’influence de la nature de la tâche, deux variables sont princi- palement considérées : la difficulté de la tâche et le type d’efficience.

Difficulté de la tâche

D’après Fischer et Ulich (1961), on estime « que plus un processus psychique s’avère complexe, plus il demande de temps pour sa réalisation et plus sa courbe est sujette aux variations de l’environnement ». Fischer et Ulich (1961) observent que « les processus moteurs complexes sont plus dépendants du rythme nycthéméral que les processus moteurs simples », et pensent « qu’il en est de même pour les processus psychiques ».

Erne (1976), en s’inspirant du modèle de l’activation, donne une tout autre explication (qu’il n’a pas réussi à valider expérimentalement). Il admet que, pour chaque niveau de difficulté d’une tâche, il existe un optimum de motiva- tion, au-delà duquel la performance se détériore, et que l’optimum correspond à un niveau de motivation d’autant moins élevé que la tâche est difficile. Erne pense alors que, si la tâche proposée aux élèves est facile, l’activation élevée, l’efficience est élevée et, qu’inversement, si la tâche est difficile, l’activation élevée, l’efficience est faible. Il en déduit que les rythmes journaliers de performances à des tâches faciles sont sensiblement identiques à celui de l’activation et que les rythmes de performances à des tâches difficiles en sont différents.

Type d’efficience

Gates (1916) considère que les trois types de profils journaliers qu’il a dégagés correspondent à trois types d’efficience : motrice, mentale et musculaire. Selon lui, le creux d’après-déjeuner est d’autant plus grand que la tâche fait appel à l’efficience motrice.

Folkard (1981), en accord avec Gates (1916), Kleitman et Engelmann (1963) et Blake (1967b), associe également aux deux tendances opposées de varia- tions circadiennes de performances d’adultes (décroissance du matin jusqu’au soir, progression du matin jusqu’au soir) deux catégories de tâches : les unes perceptivomotrices, les autres cognitives. Certains des résultats des recherches menées par Testu (1982) laissent penser qu’effectivement, selon les aptitudes intellectuelles sollicitées par les exercices, les fluctuations peuvent ne pas être rigoureusement les mêmes.

Par ailleurs, les travaux de chronopsychologie entrepris par Folkard et coll. 66 (1977) permettent d’observer que, selon le registre de mémoire sollicité, les

Rythmes et performances : approche chronopsychologique

variations journalières de performances mnémoniques (récupération) diffè- rent. Il a notamment été démontré que ce que l’on apprend le matin est mieux restitué que ce que l’on apprend l’après-midi, lorsque le rappel s’effectue immédiatement après la présentation du « matériel » (mémoire à court terme) et, inversement, ce qui est appris le matin est moins bien restitué que ce qui est appris l’après-midi lorsque le rappel s’effectue après un délai temporel impor- tant (une semaine, dans cette expérience) (mémoire à long terme).

Il a également été possible de montrer que plus la charge mentale est élevée, plus les fluctuations sont élevées. Dans les deux expériences qui ont conduit à ce constat, l’élévation de la charge s’effectue soit en rendant le traitement de l’information plus profond, plus complexe, soit en augmentant la quantité d’information à mémoriser.

Plus généralement, ces données conduisent à considérer que la présence et l’évolution des fluctuations journalières dépendent de la charge mentale de la tâche à exécuter. Plus la charge est élevée, plus la tâche est difficile. La difficulté peut également être fonction du stade d’apprentissage. Lorsque l’on propose en début d’année scolaire, 4 fois dans une journée, des exercices d’accord de verbes, les variations « classiques » sont présentes. En fin d’année scolaire, avec les mêmes élèves exécutant les mêmes exercices 4 fois par jour, les variations ont disparu (Testu, 1988). Ce processus de disparition est également observé pour des apprentissages plus lents, nécessitant plusieurs années. C’est ainsi que Feunteun et Testu (1994), dans une étude transversale considérant les cinq niveaux d’âge du primaire, constatent que la compréhen- sion des formes passives (tâche langagière) ne varie classiquement qu’au CE2, c’est-à-dire à un stade intermédiaire d’apprentissage de la tâche.

Composition de l’emploi du temps hebdomadaire

Lorsque la semaine scolaire française demeure traditionnelle, un phénomène de désynchronisation se manifeste pour certains enfants, issus de milieux dits sensibles, le lundi faisant suite à un congé de fin de semaine d’un jour et demi. Dans une semaine scolaire de ce type, les élèves réalisent leurs meilleures performances le jeudi et le vendredi matin et les moins bonnes le lundi et, à un degré moindre, pendant la demi-journée précédant le congé de fin de semaine, généralement le samedi matin, occasionnellement le vendredi après-midi (Testu, 1994b). En revanche, les études consacrées à l’influence de la semaine de 4 jours (lundi, mardi, jeudi, vendredi de classe) sur la rythmicité journalière indiquent que ce type d’aménagement n’a pas d’incidence particulière sur les performances intellectuelles d’enfants vivant dans un environnement socio- culturel dit « normal » (Brizard et coll., 1994 ; Desclaux et Desdouet, 1994). Il en est tout autrement lorsque la semaine de 4 jours est appliquée dans les ZEP des zones sensibles.

Au CP, notamment, les élèves sont moins vigilants, ont plus de comporte- ments scolaires inadaptés et dorment moins que les élèves présents 4 jours et demi par semaine. De plus, la mise en place d’une semaine de 4 jours semble 67

ANALYSE

Rythmes de l’enfant

s’accompagner d’une inversion de l’évolution journalière de la vigilance, inversion caractéristique d’une rupture de synchronisation entre la rythmicité environnementale de l’élève et sa propre rythmicité. Cette rupture serait d’autant plus nette que les activités extra-scolaires seraient pauvres ou inexis- tantes (Testu, 1993). Dans ce cas, l’influence du mode de vie familiale s’avère prépondérante dans l’adaptation de l’enfant à la situation scolaire (Almeida et Mac Donald, 1998), et ce d’autant plus que l’inversion rythmique est accom- pagnée de dysfonctionnements comportementaux générateurs d’une altéra- tion des performances.

En conclusion, les connaissances présentées précédemment ont surtout trait à la journée. Les résultats psychologiques qui corroborent en partie les observa- tions des enseignants peuvent être qualifiés de rythmes scolaires. Il n’a pas été mis en évidence de rythmicité hebdomadaire, or, c’est cette période que l’on a voulu réaménager en premier en France.

Les fluctuations journalières peuvent différer sous l’influence de l’âge, de facteurs de personnalité et/ou de situation, notamment l’aménagement des temps d’activité et de repos.

Il s’agit donc de proposer des emplois du temps journalier (c’est la priorité), hebdomadaire et annuel adaptés pour favoriser le développement harmonieux de l’activité intellectuelle et physique des élèves, notamment ceux qui ne maîtrisent pas encore la tâche à exécuter. Car ce sont principalement les élèves confrontés aux difficultés scolaires et ne maîtrisant pas la tâche qui présentent les fluctuations les plus marquées. L’aménagement du temps cons- titue alors l’un des moyens de lutte contre l’échec scolaire.

Ainsi, la priorité se situe d’abord au niveau de la journée. C’est seulement après avoir appréhendé cette période que l’on peut modifier les autres temps, tout en sachant que cela suppose que nous considérions des facteurs tels que l’âge, l’origine socioculturelle des élèves et la nature des activités péri- et extra-scolaires.

BIBLIOGRAPHIE

ADAN A. Circadian variations in psychological measures : a new classification. Chro- nobiologia 1993, 20 : 145-161

ADAN A, GUARDIA J. Circadian variations of self-reported activation : a multidimen- sional approach. Chronobiologia 1993, 20 : 233-244

AKERSTEDT T, FROBERG JF. Interindividual differences in circadian patterns of cat- echolamine excretion, body temperature, performance and subjective arousal. Bio Psycho 1976, 2 : 277-292

AKERSTEDT T, FOLKARD S. The three-process model of alertness and its extension to 68 performance, sleep latency, and sleep length. Chronobiol Int 1997, 14 : 115-123

Rythmes et performances : approche chronopsychologique

ALMEIDA DM, MCDONALD D. Weekly rhythms of parents’ work stress, home stress, and parent- adolescent tension. New Dir Child Dev 1998, 82 : 53-67

BATEJAT D, LAGARDE D, NAVELET Y, BINDER M. Evaluation of the attention span of 10,000 school children 8-11 years of age. Arch Pediatr 1999, 6 : 406-415

BEAU J, CARLIER M, DUYME M, CAPRON C, PEREZ-DIAZ F. Procedure to extract a weekly pattern of performance of human reaction time. Percept Mot Skills 1999, 88 : 469-483

BILLON-DESCARPENTRIES J. Familial educative environment, sleep and attention per- formances. Environnement éducatif familial, sommeil et performances attention- nelles. Revue internationale de pediatrie 1997, 282-283 : 3-11

BLAKE MJF. Time of day effects on performance in a range of tasks. Psychonomic Science 1967a, 9 : 349-350

BLAKE MJ. Relationship between circadian rhythm of body temperature and introversion-extraversion. Nature 1967b, 215 : 896-897

BLAKE MJF. Temperament and time of day. In : Biological rhythms and human perfor- mance. COLQUHOUN WP (ed). Academic Press, London, 1971, 109-148

BRAND G. Social synchronizers and infradian variations of reaction time. C R Seances Soc Biol Fil 1996, 190 : 487-496

BRIZARD A, DESCLAUX A, SALVA D. La semaine de 4 jours de classe. Les Dossiers d’éducation et formations 1994, 37 : 1-26

CHARIFI M. Chronopsychologie scolaire. Etude comparative des variations journalières et hebdomadaires de l’activité intellectuelle d’élèves français et iraniens. Thèse de psychologie, Tours, 1994

CHEBAT JC, DUBE L, MARQUIS M. Individual differences in circadian variations of consumers’ emotional state. Percept Mot Skills 1997, 84 : 1075-1086

COLQUHOUN WP. Temperament, inspection efficiency and time of day. Ergonomics 1960, 3 : 367-368

COLQUHOUN WP. Circadian variations in mental efficiency. In : Biological rhythms and human performance. COLQUHOUN WP (ed). Academic Press, London, 1971, 39-107

DELVOLVÉ N, DAVILA W. Les effets de la semaine de quatre jours sur l’élève. Enfance 1996, 5 : 400-407

DELVOLVÉ N, JEUNIER B. Effets de la durée du week-end sur l’état cognitif de l’élève en classe au cours du lundi. Revue Française de Pédagogie 1999, 126 : 111-117

DELVOLVÉ N, TREZEGUET M, THON B. L’organisation du travail facteur de modulation des capacités mnésiques de l’élève en situation éducative. Le Travail Humain 1992, 55 : 35-46

DESCLAUX A, DESDOUET N. Évaluation des effets du dispositif d’aménagement des rythmes de vie sur les enfants à l’école élémentaire et maternelle. Les Dossiers d’éducation et formations 1994, 39 : 1-82

DOTTO L. Sleep stages, memory and learning. CMAJ 1996, 154 : 1193-1196

DUBOIS DL, FELNER RD, BRAND S, ADAN AM, EVANS EG. A prospective study of life stress, social support, and adaptation in early adolescence. Child Dev 1992, 63 : 542-557 69

ANALYSE

Rythmes de l’enfant

EBBINGHAUS H. Memory, Dover Publication, New York, 1964 ERNE H. Tagesrhythmik von Leistungen und Personlichkeitsvariablen. Schweiz Z

Psychol Anwend 1976, 35 : 185-197

FEUNTEUN P, TESTU F. Chronopsychologie : Fluctuation des performances journalières à l’école primaire dans une épreuve de compréhension des formes passives réversibles. Année Psychol 1994, 94 : 575-592

FISCHER M, ULICH E. Über die Abhangigkeit einer kurzzeitigen Konzentrationsleitung von der Tagezeit bei Kindern und Jugendlichen verschiedenen Alters. Z Exp Angew Psychol 1961, 8 : 282-296

FOLKARD S. Shiftwork and performance. In : Sleep and shiftwork, advances in sleep research. JOHNSON LC (ed). MTP Press, Lancaster, 1981, 7 : 283-306

FOLKARD S, MONK TH, BRADBURY R, ROSENTHALL J. Time of day effects in school children’s immediate and delayed recall of meaningful material. Br J Psychol 1977, 68 : 45-50

FOLKARD S, MARKS M, MINORS DS, WATERHOUSE JM. Circadian rhythms in human performance and affective state. Acta Psychiatr Belg 1985, 85 : 568-581

FOTINOS G, TESTU F. Aménager le temps. Hachette, Paris, 1996 FRAISSE P. Éléments de chronopsychologie. Le Travail Humain 1980, 2 : 353-372

GATES AI. Diurnal variations in memory and association. University of California Publications in Psychology 1916, 1 : 323-344

GATES AI. Variations in efficiency during the day, together with practice effects, sex differences, and correlations. University of California Publications in Psychology 1916, 2 : 1-156

GUERIN N, BOULENGUIEZ, REINBERG A, DI CONSTANZO G, GURAN P, TOUITOU Y. Weekly changes in psychophysiological variables of 8- to 10- year-old school girls. Chronobiol Int 1993, 10 : 471-479

HELLBR[F&]GGE T. Ontogenèse des rythmes circadiens chez l’enfant. Cycles biologiques et psychiatriques. Symposium Bel Air III, Masson, Paris, 1968

HORNE JA, BRASS CG, PETTITT AW. Circadian performance differences between morn- ing and evening « types ». Ergonomics 1980, 23 : 29-36

HOUSSIN P. Rythmes scolaires en milieu rural. Mémoire de diplôme universitaire de psychologie et des sciences de l’éducation 1992, Tours

HUTEAU M. Un style cognitif : la dépendance-indépendance à l’égard du champ. Année Psychol 1975, 1 : 197-261

HUTEAU M. Dépendance-indépendance à l’égard du champ et développement de la pensée opératoire. Arch Psychol 1980, 48 : 1-40

HUTEAU M. Les styles cognitifs et la recherche fondamentale. Psychol Fr 1984, 29 : 42-47

HUTEAU M. Style cognitif et personnalité. Presses Universitaires de Lille, 1987

JEAN-GUILLAUME D. Du retentissement du poste scolaire sur l’équilibre rythmique et 70 physiologique de l’enfant prépubère. Thèse de médecine, Besançon, 1974

Rythmes et performances : approche chronopsychologique

JUNG CG. Psychologische Typen. Rascher, Berlin, 1960 KLEITMAN N, ENGELMANN TH. Sleep characteristics of infants. J Appl Physiol,1963, 6 :

269-282 KOCH P, SOUSSIGNAN R, MONTAGNER H. New data on the wake sleep rhythm of

children aged from 2 1/2 to 4 1/2 years. Acta Paediat 1984, 73 : 667-673 LAMBERT C. Mais fais donc attention ! Ou le comportement attentif à l’école est-il

mythique ? Psychologie Scolaire 1987, 62 : 19-38 LAUDE G. Des aspects physiologiques de la vie préscolaire. Thèse de médecine, Besançon,

1974

LECONTE-LAMBERT C. Des rythmes scolaires à la chronopsychologie de l’éducation : quel intérêt pour les apprentissages à l’école ? In : Santé et apprentissages. La Documen- tation française Paris, 1994

MONTAGNER H. Les rythmes de l’enfant et de l’adolescent, ces jeunes en mal de temps et d’espace. Stock-Laurence Pernoud, Paris, 1983

MONTAGNER H. L’enfant et la communication (2e éd). Paris, Stock-Laurence Per- noud, 1984

MONTAGNER H, TESTU F. Rythmicités biologiques, comportementales et intellectu- elles de l’élève au cours de la journée scolaire. Pathol Biol 1996, 44 : 1-15

NESCA M, KOULACK D. Recognition memory, sleep and circadian rhythms. Can J Exp Psychol 1994, 48 : 359-379

PARMELEE AH. Sleep patterns in infancy. A study of one infant from birth to eight months of age. Acta Paediatr 1961, 50 : 160-170

PATKAI P. Diurnal differences between habitual morning workers and evening workers in some psychological and physiological functions. Report from psychological laboratories, University of Stockholm, 1970, 311p

PATKAI P. Interindividual differences and diurnal variations, in alertness, performance and adrenaline excretion. Acta Physiol Scand 1971, 81 : 35-46

QUERRIOUX-COULOMBIER G, GIL R. Diurnal variations of the composition of cognitive evoked potentials. Neurophysiol Clin 1991, 21 : 75-84

RANDAZZO AC, MUEHLBACH MJ, SCHWEITZER PK, WALSH JK. Cognitive function fol- lowing acute sleep restriction in children ages 10-14. Sleep 1998, 21 : 861-868

REVELLE W, HUMPHREYS MS, SIMON L, GILLAND K.The interactive effect of personality, time of day, and caffeine : a test of the arousal model. J Exp Psychol Gen 1980, 109 : 1-48

RUTENFRANZ J, HELLBR[F&]GGE T. Über Tagesschwankungen der Rechengeschwind- igkeit bei 11 jahrigen Kindern. Z Kinderheilkd 1957, 80 : 65-82

RUTENFRANZ J. The development of circadian system functions during infancy and childhood. In : Circadian systems reports. 39th Ross conference on pediatric research. FOMON SJ ed, Colombus, 1961

SEXTON-RADEX K, HARRIS D. Morningness versus eveningness arousal patterns in young adults. Percept Mot Skills 1992, 74 : 115-119 71

ANALYSE

Rythmes de l’enfant

TESTU F. Les rythmes scolaires, étude sur les variations de performances obtenues à des épreuves d’addition et de barrage par des élèves de CP, CE 2, CM 2, durant la journée et la semaine scolaire. Rev Fr Pédagogie 1979, 47 : 48-58

TESTU F. Les variations journalières et hebdomadaires de l’activité intellectuelle de l’élève. CNRS, Paris, 1982

TESTU F. Rythmicité scolaire, nature de la tâche et dépendance-indépendance à l’égard du champ. Année Psychol, 1984 : 507-523

TESTU F. Rythmes scolaires. Revue des Conditions de Travail, Hors série, 1988, 94-104 TESTU F. Etude des rythmes scolaires en Europe. Rapport DEP. Ministère de

l’Education Nationale, Paris, 1993. TESTU F. Les rythmes scolaires en Europe. Enfance 1994a, 4 : 367-370

TESTU F. Quelques constantes dans les fluctuations journalières et hebdomadaires de l’activité intellectuelle des élèves en Europe. Enfance 1994b, 4 : 389-400

TESTU F. Chronopsychologie et rythmes scolaires. Masson, Paris, 2000, 133 p TESTU F, BAILLE J. Fluctuations journalières et hebdomadaires dans la résolution de

problèmes multiplicatifs par des élèves de CM2. Année Psychol 1983, 109-120

TESTU F et coll. Rapport d’étude sur les rythmes scolaires en Martinique. Actes des Premières assises de l’éducation à la Martinique. Conseil de la culture, de l’éducation et de l’environnement. Fort de France, 1995, 168-423

TESTU F, BOURGEOIS A, BEAUMARD M, CANDIARD S, CHANTEPIE A et coll. Étude des rythmes scolaires à Evry (Essonne). Evaluation des conséquences psychologiques et compor- tementales de l’aménagement du temps scolaire. Rapport Francas ; délégation de l’Essonne ; Direction Départementale de la jeunesse et des sports, Imprimerie de l’université, Tours, 1998

TESTU F, RENOTON S. Handicaps et rythmes scolaires. Rapport Centre Henri-Aigueperse, 1998

TESTU F, BEAUMARD M, CANDIARD S, CHANTEPIE A, DOUGHERTY N et coll. Étude des rythmes scolaires à Bourges (Cher). Rapport Ville de Bourges ; Direction départemen- tale de la jeunesse et des sports, Imprimerie de l’université, Tours, 1999

TESTU F, CLARISSE R. Time-of-day and day-of-week effects on mnemonic performance. Chronobiol Int 1999, 16 : 491-503

WESTMAN AS, CANTER FM. Relationship between certain circadian behavior patterns and jungian personality types. Psychol Reports 1979, 44 : 1199-1204

WINCH WH. Mental fatigue during the school-day as measured by arithmetical reason- ing. Br J Psychol 1911, 4 : 315-341

WINCH WH. Mental fatigue during the school day as measured by immediate memory. J Educ Psychol 1912, 3a : 18-28

WINCH WH. Mental fatigue in day school children as measured by immediate memory. J Educ Psychol 1912, 3 (part II) : 75-82

WINCH WH. Mental adaptation during the school-day as measured by arithmetical reasoning. J Educ Psychol 1913, 4a (part I) : 17-28

Rythmes et performances : approche chronopsychologique

WINCH WH. Mental adaptation during the school-day as measured by arithmetical reasoning. J Educ Psychol 1913, 4a (part II) : 71-84

WITKIN HA, MOORE CA, GOODENHOUGH DR, COX P. Les styles cognitifs « dépendant à l’égard du champ » et « indépendant à l’égard du champ » et leurs implications éducatives. L’Orientation scolaire et professionnelle 1978, 7 : 299-349



24/06/2013
1 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 68 autres membres