POUR UN TRAVAIL COLLABORATIF DES MEN

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PROCEDURE D'INSERTION D'UN ENFANT MALENTENDANT EN MILIEU SCOLAIRE - ASH 92

 

 Penser une intégration la mieux adaptée pour l'enfant sourd, 
en prenant en compte ses difficultés scolaires (2001)

  • PROCEDURE D'INSERTION D'UN ENFANT MALENTENDANT EN MILIEU SCOLAIRE - ASH 92

     

    Penser une intégration la mieux adaptée pour l'enfant sourd, 
    en prenant en compte ses difficultés scolaires

     

    SOMMAIRE 
      
     

    INTRODUCTION *

    1- Besoin d'une tierce personne : les causes. *

    1-1-Adaptation, échec scolaire…à partir de l'évaluation. *

    1-2- Valeur de la réussite pour les différents partenaires du système éducatif : la famille et les professionnels. *

    1-3- L'élève hors norme : l'échec scolaire. *

    1-4- Recherche des causes. *

    1-4-1- L'histoire personnelle. *

    1-4-2- Les inégalités socio- culturelles. *

    1-4-3- Caractéristiques psychologiques *

    1-4-4- Le handicap. *

    1-4-5- Dans la perspective systémique… *

    1-5-Difficultés de l'enfant sourd. *

    1-5-1- La non-adaptation. *

    1-5-1-1- Représentation de soi 

    *

    1-5-1-2- La langue des signes. *

    1-5-1-3- Sur le plan disciplinaire. *

    1-5-2- Sont-ils prédestinés à être en échec scolaire ? *

    2- Critères pour penser l'intégration la mieux adaptée*

    2-1-L'intégration. *

    2-1-1- Sens donné à l’intégration du point de vue de l’Education Nationale. *

    2-1-2- Pourquoi intégrer dans une école ordinaire ? *

    2-2- Convention d’intégration, projet d’intégration, projet individuel. *

    2-3- Projet départemental, mes propositions. *

    2-3-1- Au niveau de l’organisation institutionnelle. *

    2-3-1-1- La famille : partenariat, information, accompagnement , association. 

    *

    2-3-1-2- Les professeurs intégrants. *

    2-3-2- Niveau pédagogique. *

    2-3-2-1- Concept d'apprentissage, diversité de processus d'apprentissage. 

    *

    2-3-2-2- Donner du concret. *

    2-3-2-3- Opter pour une relation enseignant enseigné privilégiée. *

    2-3-2-4-Diversifier les méthodes de travail et les outils d’apprentissage. *

    CONCLUSION *

    BIBLIOGRAPHIE……………………………………………………………………………33

    ANNEXES……………………………………………………………………………………36

    INTRODUCTION

    La croyance en l'homogénéité d'une classe est l'un des mythes les plus dangereux qui soient. En effet, cette idée devient inconcevable au moment où l'on observe une classe. De la petite section maternelle aux études universitaires, les élèves connaissent entre eux de grandes distances.

    Enseignante depuis quatre ans dans des classes à plusieurs niveaux, je pars dans mon étude du constat que toute classe se scinde en groupes hétérogènes. Je me suis interrogée sur ces différences. Je pense que l'insuccès scolaire n'obéit à aucun fatalisme. La réussite de tous les élèves, même handicapés, me paraît possible à condition de comprendre pourquoi et comment un élève se trouve peu à peu en difficulté. Ainsi, il me semble important de travailler autour de ces enfants qui posent des problèmes.

    Mais les problèmes ne viennent-ils pas de la valeur que l'on a de la réussite ? Si l'élève est en dehors de cette réussite, existe-t-il des causes ?

    Mon mémoire repose sur l'une d'elles : le handicap. Encouragée par mon expérience et pour me permettre d'anticiper ma situation professionnelle ultérieure, je me suis interrogée de plus près sur la surdité. En effet, j'ai occupé la fonction d'élève-professeur dans un centre spécialisé pour déficient auditif durant une année scolaire. Aussi, dans le cadre de ma formation au CNEFEI, j'ai travaillé avec une classe d'adaptation à raison d'une demi-journée hebdomadaire. L'an prochain, j'occuperai la fonction de maître itinérant auprès d'enfants sourds.

    Existe-t-il des difficultés propres aux enfants sourds par rapport aux enfants entendants et sont-ils prédestinés à être en échec scolaire ?

    Comment reconnaître et prendre en compte leur différence ? Aristote ne soutient-il pas "qu'il n'est pire injustice que de traiter également des gens inégaux" ? Il est important alors de penser une intégration la mieux adaptée pour l'enfant et prendre en compte ses faiblesses scolaires.

    Enfin, en tant que premier professeur spécialisée dans la surdité dans mon département, je propose mes réflexions pour mener à bien le projet qui m'est confié. Il s'agit entre autre d’accompagner des enfants intégrés et d'apporter une aide aux enseignants qui les accueillent. Que faire au niveau de l'organisation institutionnelle ? Au niveau pédagogique ?

    Pour m'aider dans cette réflexion, j'ai proposé des questionnaires : douze maîtres itinérants (qui suivent soixante enfants), vingt et un maîtres intégrant et vingt neuf enfants intégrés en milieu ordinaire ont répondu. (voir les annexes II à IX) 
      
     

    1- Besoin d'une tierce personne : les causes.

    1-1-Adaptation, échec scolaire…à partir de l'évaluation.

    Si l'on en croit le dictionnaire Encyclopédique de l'éducation et de la formation, les termes de" réussite scolaire" ne se rattachent pas à un champ théorique particulier qui les définirait précisément. "Dans leur usage courant, ils renvoient à des constructions sociales "parlées" par l'institution scolaire, les médias, les parents ; parlées et vécues par les élèves dans une grande diversité correspondant à celle de leur expérience." (2000,927). La réussite est un résultat favorable… mais pour qui ?

    L'enfant lui-même, serait satisfait par ses résultats mais ce sont les adultes qui jugent son travail selon des critères. Le professeur, déjà, est amené à évaluer toute production. Cette préoccupation constante de l'évaluation implique surtout des enjeux sociaux et économiques que l'institution scolaire a pour mission de remplir. Elle se doit d'assurer la réalisation personnelle de l'individu et de rentabiliser l'école. Autrement dit, les enfants doivent avoir un suivi normal de la scolarité, sans redoublement. Nous conviendrons que ces deux aspects peuvent être contradictoires car chaque enfant est un être singulier et que tout individu assimile à son rythme. Reste que la demande sociale vis à vis de l'école se formule en terme de réussite. L'évaluation dans cette optique doit être comprise comme étant l'outil qui rend compte des difficultés, qui constate les acquisitions en vue d'aider l'enfant pour qu'il "réussisse".

    Notons que selon la place que l'individu occupe, les attentes sont différentes.

     

    1-2- Valeur de la réussite pour les différents partenaires du système éducatif : la famille et les professionnels.

    Chaque milieu familial ou professionnel va défendre ses conceptions. On observe une recherche de la place la plus intégrée socialement. La famille défend ce qu'est sa fonction : la place du citoyen. Aussi, il s'agit de savoir si leur enfant présente des difficultés, s'il réalise des progrès. Concernant les parents d'enfants sourds, l'intégration en milieu ordinaire est souvent un premier objectif dans l’approche de la réussite. Ils manifestent, alors, leur approbation du fait que leur enfant pourra fréquenter l'école ordinaire du quartier. Les établissements spécialisés leur renvoient l'image de leur enfant comme un individu handicapé. Le projet des parents et de tout citoyen est de fuir l'exclusion. Mais l'intégration scolaire ne peut être la négation de la déficience sensorielle. Elle doit s’accompagner de mesures adaptées sans quoi une exclusion par inadaptation apparaîtra.

    Les professionnels ont une autre logique. Ils abordent la réussite en faisant référence à deux types d’évaluations. L'école a pour mission l'acquisition des apprentissages fondamentaux. Avec l'évaluation normative, il s'agit de vérifier que les finalités qui lui sont signalées par l'Education Nationale soient atteintes. Dans les textes officiels mettant l'enfant au centre du système scolaire, l'évaluation est ce qui permet d'adapter le projet pédagogique à chaque enfant. Mais, le corps professoral doit rendre compte du niveau des élèves.

    Malgré cela, l'évaluation doit être formative car elle vise alors à s'intégrer dans une pédagogie de la réussite et aide à faire progresser tous les agents (le maître et l'élève). Elle se présente sous forme quantitative et qualitative.

    D’après Mannoni (1986), il ne faut pas toujours évaluer en notes, en points. La préoccupation qui doit mobiliser toutes les personnes qui entourent l'enfant est l'épanouissement de l'élève. La valeur scolaire, les notes lorsqu'elles sont mauvaises, traduisent le "non-épanouissement", l'échec. Par contre, la satisfaction d'obtenir de bons résultats traduit le développement de l'élève dans toutes ses potentialités. En effet, l'évaluation normative est hors du procès d'apprentissage. Cette évaluation vise à classer, orienter, sélectionner. 
      
     

    1-3- L'élève hors norme : l'échec scolaire.

    Les dernières réformes se sont fixées comme objectif de lutter contre l'échec scolaire. La dernière, la Loi d'Orientation sur l'éducation, date de 1989 (MEN 1989). Cette loi, entre autres, vise l'organisation de la scolarité en cycles, le droit à l'éducation pour tous, et du point de vue du niveau à atteindre, "la Nation se fixe de conduire d'ici 10 ans, l'ensemble d'une classe d'âge au minimum au niveau du certificat d'aptitude professionnelle ou du brevet d'études professionnelles et 80 % au niveau du baccalauréat." ( ibid., 5)

    Par conséquent, un enfant ne peut être maintenu deux années dans un même cycle sans s ’écarter des objectifs de cette loi. C'est l'élève en échec scolaire. C'est celui qui est en retard au niveau de l’âge. Remarquons que l’âge n’est pas un critère. Essayons de définir les critères qui définissent au mieux l'échec scolaire… A quel moment dit-on d'un enfant qu'il est en échec ?

    Nous pouvons définir l'échec scolaire par ses effets sur l'insertion sociale et professionnelle du jeune : ceux qui sont moins diplômés ont beaucoup moins de chance d'occuper un emploi que ceux qui possèdent des qualifications. Ils ont très peu de chances de trouver leur place dans la société. Isambert-Jamati (1971) décrit l'élève en échec scolaire comme étant celui "qui n'a pas acquis dans le délai prévu les nouvelles connaissances et les nouveaux savoir-faire que l'institution, conformément aux programmes, prévoyait qu'il acquière." ( Ibid, 43)

    Il faut noter également que dans les mentalités, on parle d'échec simplement lorsqu'un enfant est orienté en enseignement professionnel, en apprentissage plutôt que dans les filières de l'enseignement général. La dévalorisation de l'enseignement professionnel et technologique entraîne que, trop souvent, on y oriente des élèves non pas parce cela correspond à leur objectif de carrière et à leur compétence mais parce que l'enseignement général paraît improbable car ils n’ont pas un niveau scolaire conforme, favorable à cette orientation.

    1-4- Recherche des causes.

    L'échec scolaire est le résultat de plusieurs facteurs qui parfois sont en interaction. Il ne faut pas omettre les causes assignées à l'école elle-même. En effet, les méthodes pédagogiques et les programmes sont remis en compte. On accuse aussi l'insuffisance des relations pédagogiques, les classes surchargées… Reste qu'il semble improbable d'en dresser une liste exhaustive.

     

    1-4-1- L'histoire personnelle.Partons de l'histoire personnelle de tout élève. L'histoire d'un enfant comprend, nous le rappelons : des aspects physiologiques, des aspects psychologiques, des conditions familiales et sociales, des convictions idéologiques en raison de sa culture, des contraintes de vie.

    Chacune des composantes qui constituent la personnalité d'un élève, peut-être un facteur de fragilité ou d'assurance. Si fragilité il y a, l'enfant aura des difficultés à répondre aux exigences de l'école. Yves Compas, docteur en psychologie, psychologue scolaire, parle d'inégalités naturelles. Il utilise le terme d'inadaptation. "L'enfant est inadapté à cause des inégalités naturelles inhérentes à sa personnalité." ( 1985, 10). Mais il évoque également la réciprocité concernant l'école.

    1-4-2- Les inégalités socio- culturelles."L'école est inadaptée en tant qu'institution scolaire qui ne prend en compte les inégalités socio- culturelles et reproduit un modèle culturel dominant." ( Ibid, 10 ).

    L'insuccès scolaire qui résulte des différences socio- culturelles a été largement étudié. Il faut partir de l'environnement culturel familial. En effet, c'est le lieu où les élèves accèdent à la parole. Celle-ci structure leur vie scolaire car c’est la langue commune. Roy (1984 ), professeur et chercheur au Québec rajoute que l'échec scolaire résulte de ce qu'ils ne trouvent pas dans la culture familiale le support imaginaire qui rendrait possible une prise de parole libératrice. Comme celle-ci est structurante de leur vie scolaire, ils ne parviennent pas à vivre positivement le passage à l'écrit que constituent les demandes de l'école.

    Au-delà de la parole, il existe d'autres sources de différences en rapport avec la famille qui provoquent des inégalités. Par exemple : les foyers dissociés, la place de l'enfant dans la fratrie, les enfants adoptés, les enfants orphelins d'un des parents, la taille de la famille, le lieu d'habitation, la profession des parents…

    Concrètement, ceci influencera sur l'aide que pourront recevoir les enfants de leurs parents ou de leurs frères et sœurs. Ils seront plus ou moins entraînés à la réflexion, ils auront à leur disposition les outils nécessaires à leur scolarité (dictionnaire, livres…), etc…

    Mais il semble que des réserves sont à formuler face à ces conclusions que sont amenés à avancer de nombreux auteurs car si l'environnement semble agir considérablement sur l'enfant, celui-ci en tant que personne avec sa propre personnalité, agit sur lui. Chaque enfant a un degré de réactivité personnel.

    En France, Boris Cyrulnick traite du sujet dans un merveilleux malheur (1996). Ses travaux sur la résilience ont un rapport à la pédopsychiatrie. Face à un choc, "jusqu'à présent, les chercheurs ont mis l'éclairage sur les dégâts incontestables. Il faut maintenant partir en quête des processus de réparation. (…) Presque tous les enfants résilients ont eu à répondre à deux questions : "Pourquoi dois-je tant souffrir ?" les a poussés à intellectualiser."Comment vais-je faire pour être heureux quand même ?" les a invités à rêver. Quand ce sentiment intime de la résilience a pu rencontrer une main tendue, le devenir de ces enfants n'a pas été défavorable." ( p.18)

     

    1-4-3- Caractéristiques psychologiquesIl n'est pas rare de voir qu'à des résultats scolaires insuffisants, les personnes entourant l'enfant accusent la paresse de ce dernier. Je pense que la paresse est plus un symptôme qu'une explication. En nous aidant de la recherche de Geissmann, Andurski, Hutin (1984), nous pouvons distinguer dans les caractéristiques psychologiques :

    La diminution de l'efficience intellectuelle dont une évolution sera positive suite à une prise en charge en psychothérapie et un certain aménagement de la vie familiale et scolaire. Ces cas sont à distinguer des pathologies organiques comme la trisomie 21 par exemple.

    Les troubles instrumentaux définis comme étant "le symptôme touchant la sphère cognitive en rapport avec un processus névrotique."( Ibid, 18). Il existe aussi des troubles instrumentaux non- névrotiques. Les psychomotriciens, les orthophonistes, les maîtres du certificat d’aptitude aux actions pédagogiques spécialisées d’adaptation et d’intégration scolaires (CAAPSAIS) option E, aide à dominante pédagogiques ' occupent de ces troubles.

    Les états dépressifs qui "peuvent être en rapport avec un conflit psychique comme un deuil, une séparation, une perte d'objet en général. ( ibid)

    Les névroses comme les phobies scolaires à différencier avec d'autres types de névroses qui s'expliqueraient par la non-résolution du conflit œdipien ou d'autres névroses plus structurées. Enfin, l'origine peut en être narcissique.

    Le refus scolaire qui conduit à commettre des actes de délinquance. Ce refus s'inscrit dans un cadre psychologique ou caractériel.

    1-4-4- Le handicap.Il faut souligner l'importance des répercussions que peut avoir le handicap physique, sensoriel ou mental. Chaque déficit perturbera une personne à différents niveaux et surtout lors des apprentissages scolaires. La déficience peut entraîner des difficultés scolaires et si c'est le cas elle nécessitera en conséquence l'adaptation du milieu scolaire. Ce sont des "personnes présentant des besoins particuliers" comme le soulignent les professionnels québécois de l'éducation pour parler des jeunes personnes handicapées.

    Ce terme "handicapé" a progressivement remplacé celui d'infirme, de retardé, d'invalide ce qui témoigne de l'évolution des attitudes à l'égard des personnes concernées par un handicap. Aujourd'hui, il n'existe pas de définition légale du handicap mais la loi sur l'orientation en faveur des personnes handicapées du 30 juin 1975 appelle handicapée toute personne considérée comme telle par les commissions habilitées à orienter et indemniser les personnes handicapées : c'est la commission d'éducation spéciale (CDES) pour les enfants.

    Selon Philippe Wood, la référence se fait sur trois concepts. Ceci a été repris par l'Organisation Mondiale de la Santé dans la classification internationale des handicaps et des inadaptations (CIDIH). Le premier concept est la déficience qui concerne les fonctions du corps. Par exemple, le daltonisme (anomalie héréditaire de la vision des couleurs) a pour conséquence une déficience par rapport à la couleur. L'auteur parle après de l'incapacité qui concerne les activités que l'on peut attendre d'un sens. Par exemple, une déficience du langage peut-être responsable de l'incapacité de communication. Enfin, le désavantage concerne l'aspect social du handicap et se détermine par rapport aux autres.

    L'avantage de la classification c'est la séparation des aspects médicaux (déficience), des conséquences fonctionnelles (incapacité) susceptibles d'engendrer des désavantages (le handicap).

    La faiblesse résiderait dans la difficulté d'isoler les différents plans et la non prise en compte du vécu du handicap par l'individu, par l'individu et sa famille comme facteur d'aggravation ou d'atténuation du handicap.

    L'enfant peut être handicapé pour des raisons somatiques (handicapé moteur, par exemple), neurologiques (angoisse, dépression) et relationnelles (comportement de refus, agressivité).

    La loi d'orientation en faveur des personnes handicapées du 30 juin 1975 a fait de l'éducation, de la formation et de l'orientation professionnelle des handicapés une obligation nationale qui vise à leur assurer toute l'autonomie dont ils sont capables.

    1-4-5- Dans la perspective systémique…Grégoire Evéquoz, psychologue, applique les fondements conceptuels de l'approche systémique à l'enseignement. Ce grand courant de pensée a marqué les sciences humaines et il me semble opportun d'en parler. Dans la perspective systémique, "chaque comportement influence les autres et est influencé par eux. Le symptôme (la difficulté de l'enfant) est l'expression d'un malaise qui intéresse globalement le système dont l'individu fait partie" (1987, 44).

    En effet, l'individu devient ici un élément en interaction continue avec d'autres individus, ses difficultés renvoient à une modalité relationnelle. Les aides qui pourront être apportées viseront les différentes personnes qui vivent ensemble. Il me semble intéressant de ne pas se contenter de "donner des soins" uniquement à l'enfant. Ce dernier peut se retrouver pris en otage entre le milieu scolaire et le milieu familial.

    1-5-Difficultés de l'enfant sourd.

    1-5-1- La non-adaptation.Des recherches ont été effectuées grâce à certaines méthodes d'investigation telles que les tests projectifs, les questionnaires de personnalité, etc.…

    Le psycho diagnostic de Rorschach a été utilisé au moins dans cinq recherches publiées dont, en France, celle de Beizman (1950). Ce test faisait parti d'une batterie de test plus étendue s'intégrant dans une recherche collective que poursuivait une équipe de chercheurs dirigée par Wallon.

    L'auteur a donc noté des difficultés de conceptualisation chez l'enfant sourd, une immaturité émotionnelle, la rigidité, de l'égocentrisme, des difficultés dans l'établissement de relations sociales et enfin des intérêts culturels assez limités. Toutes ces particularités étaient évaluées par comparaison avec des protocoles entendants. Ces résultats, remarque l'auteur, existent aussi chez ces derniers mais à un moindre degré. Je vais développer certains aspects de cette non-adaptation.

    1-5-1-1- Représentation de soi

    En 1970, Nunès de Ascensao a étudié la représentation de soi chez les adolescents sourds français de 13 à 18 ans pour sa thèse en psychologie. L'analyse des résultats fait ressortir dessimilitudes : sourds et entendants sont influencés par les mêmes types de modèles sociaux et de valeurs (désir de se réaliser dans la famille et la profession…)

    Mais elle fait ressortir des différences : un attachement évident au concret chez le sourd. Aussi, un égocentrisme plus marqué et une moins grande confiance en soi dans la description de ces traits psychologiques et de ses relations avec autrui (il s'affirme plutôt faible, repoussé).

    Le psychologue Louise Roberge (1994) confirme qu'une estime de soi positive semble particulièrement difficile pour ces jeunes enfants. Elle rajoute que "l’expression défensive et masquée de la blessure narcissique peut se manifester dans les relations interpersonnelles de diverses manières, notamment par la rage narcissique, le mépris et la grandiosité ".

    La description de Furth (1964,86) est différente. Selon lui, les adolescents sourds ont un bon contrôle des émotions et comparé aux entendants, ils ont moins tendance aux soucis, à l'introspection. De façon générale, certains auteurs pensent que tous les types d'ajustements peuvent être trouvés chez les sourds comme chez les entendants.

    Je vais à présent citer mon expérience personnelle à travers un travail de mémoire de maîtrise en psychologie génétique à l’université du Mirail à Toulouse. Isoler le rôle des pratiques familiales du contexte familial était mon ambition pour distinguer ce qui permet à l’adolescent de mettre en place et de mobiliser certains processus psychologiques nécessaires à l’investissement scolaire. L’étude portait sur trois cent adolescents ("ordinaires "). En plus j’avais choisi quatre adolescents sourds issus de milieu favorisé avec des pratiques familiales stimulantes. Ces jeunes étaient sourds profonds et étaient âgés entre 11ans et 6 mois et 15 ans. Trois avaient des parents entendants et un (faisant parti des élèves en réussite) avait des parents sourds. Tous les jeunes étaient en réussite scolaire sauf un. Les instruments utilisés étaient une échelle d’estime de soi, une échelle sur les pratiques familiales et le test du Rorschach. Voici les résultats de la recherche quelle que soit la population observée : les adolescents semblent avoir une bonne estime d’eux-mêmes quand la loi et la sécurité sont présents. Aussi, l’estime de soi positive ne s’allie pas forcément avec la réussite scolaire, il existe d’autres variables qui contribuent à la réussite. Enfin, globalement, les jeunes s’adaptent mieux s’ils n’ont pas de problème de communication. Ici, notre intérêt portait plus sur la population sourde. L’identification, aussi, semble avoir un lien avec l’estime de soi du sujet. L’important est de trouver des référents, l’angoisse des parents ne viserait pas l’autonomie de l’adolescent. Enfin, la conclusion de mon travail portait sur le problème de la relation à l’autre. Je soulignais l’intérêt de voir les capacités de l’adolescent à s’intégrer à son groupe, à la société. Ceci démontre leur adaptation ou leur inadaptation sociale. De très bons résultats scolaires peuvent être le moyen de défense face à des difficultés d’intégration sociale même si les parents ont des pratiques éducatives stimulantes.

    Pour Oléron (in Colin, 1978,86 ) "de tous les traits caractéristiques du sourd que l’on pourrait relever, il est bien évident que la surdité n’est pas la cause directe ; elle n’est la cause que par les situations et les expériences qu’elle provoque. "

    Parce qu’en fait l’enfant sourd est d’abord un enfant. Un enfant qui a du point de vue physique une déficience sensorielle. Il va devenir handicapé parce que son environnement social entendant a une perception auditive différente de la sienne. Les adultes sourds dans la communauté sourde ne sont pas handicapés. Les besoins de l’enfant, ses capacités, son développement vont être les mêmes que ceux de tout autre enfant mais la communication poly sensorielle avec l’entourage va faire défaut, même si le corps à corps, le regard, la mimique vont être possibles. Dans le corps à corps, je parle de la communication corporelle, la connotation n’est ni positive, ni négative. La parole est absente pour la médiation. La communication gestuelle, corporelle, sensitive précède chez n’importe quel individu la communication verbale.

    Remarquons selon les recherches de Maestas y Moores, aux Etats-Unis, que les échanges entre des enfants sourds ou entendants avec des parents sourds apparaissent riches. Les échanges sont riches, les moyens de communication utilisés par les mères sont divers (vocalisations et paroles, gestes et signes, épellation digitale ). L’environnement communicatif est stimulant. Par contre, les jeux d’imitations, de babillage, le bain de langage qui se joue dans l’interaction mère enfant au niveau verbal et préverbal vont être différents.

    Concernant les échanges entre enfant sourd et parents entendants, les travaux de Vinter (professeur à la Faculté de médecine et de pharmacie à Besançon, Laboratoire de Phonétique, Faculté des Lettres et Sciences Humaines ) montrent qu’entre 4 et 7 mois, malgré une déficience auditive profonde, les enfants produisent des vocalisations. " La comparaison avec les productions vocales des jeunes enfants entendants montre que les productions des enfants sourds sont marquées non seulement par des retards, mais également par des déviances. " (1985,55) Les déviances entravent la reconnaissance des sons. Les structures mélodiques et rythmiques sont pauvres. Souvent les parents entendants n’en tiennent pas compte et n’imitent pas les vocalisations de leur enfant. Le dialogue se réduit. " Pour l’enfant sourd, cette non-intégration des productions propres en tant qu’apport significatif à un dialogue représenterait un facteur supplémentaire de retard dans l’émergence du langage et dans la maîtrise des compétences conversationnelles. " (ibid, 56)

    1-5-1-2- La langue des signes.

    La langue des signes française (L.S.F.) ne peut-elle pas permettre alors à l’enfant de s’identifier et d’être dans un environnement humain où les processus d’acculturation sont possibles ?

    Nous supposons que ceci peut-être possible dans la mesure où sa propre parole est semblable à celle de ceux qui l’entourent. L’enfant sourd peut quand le milieu familial ou scolaire le permettra, être engagé dans une voix bilingue : grâce à la langue des signes, il peut accéder précocement à la maîtrise d’une langue, de compétences conversationnelles et ainsi accéder à la langue française. Cette réflexion, Danielle Bouvet l'a menée dans sa classe bilingue. " C'est dans toute une activité métalinguistique de correspondance entre l'écrit et sa signification en langue des signes ou en langue vocale que les enfants ont découvert que l'écrit était aussi du langage et qu'il transmettait lui aussi un contenu. " (1982)

    Je peux également faire référence à l'expérience d'un stage d'une scolarité en langue des signes pour élèves sourds dépendant de l'association IRIS (institut de Recherches sur les Implications de la langue des Signes) à Toulouse. Ces classes accueillent depuis 1999 une quarantaine d'élèves de la maternelle à la terminale répartis sur trois établissements publics ordinaires. L'équipe pédagogique comprend huit enseignants dont cinq sont sourds. Ces classes proposent une scolarité adaptée à ces enfants qui reçoivent une éducation en langue des signes pour l'oral et en français pour l'écrit. Les objectifs sont de permettre d'atteindre les mêmes niveaux scolaires, au même âge et avec la même charge de travail que les élèves entendants. Suite à cette semaine d'observation, en étant consciente qu'il est délicat de tirer des conclusions si vite, j'ai pu constater que ces élèves suivent une scolarité tout à fait dans la norme, qu'ils sont épanouis et qu'ils utilisent la LSF avec aisance.

    Dans le courrier de Suresnes (1990,22 ), une équipe du centre orthophonique et pédagogique assure que la L.S.F. permet à l’enfant de développer ses représentations symboliques et imaginaires. L’accès au conte et aux histoires en est facilité. Quant aux parents, ils se disent moins démunis même si leur utilisation des signes est limitée.

    Les signes permettent aussi d’expliquer plus rapidement les nuances, les états, les différents modes d’action…Cependant j’ai fait l’expérience de quelques effets limitatifs de la L.S.F. quand celle-ci n’est pas maîtrisée. Ceci est malheureusement une réalité : le niveau de L.S.F. est souvent non maîtrisée que se soit chez les enfants ou les enseignants. Pour ma part, lors de mes interventions auprès d’enfants sourds, en vocabulaire, par exemple, l’imprécision de la configuration ou les erreurs de mes mouvements engendraient parfois des confusions d’ordre lexical. En effet, j’ai pu me rendre compte que l’utilisation du français ponctué de signes avec une méconnaissance de la L.S.F. induisait l’installation de contresens. Ces contresens rendaient incompréhensible, alors, un message écrit. L’explication vient de l’utilisation juxtaposée de deux langues.

    La langue des signes comme toute autre langue a une syntaxe qui lui est propre. Celle-ci est complètement différente de notre syntaxe orale et écrite. C’est pourquoi, les personnes sourdes ont des difficultés, entre autres, dans l’organisation de l’ordre des mots dans une phrase. Denise Sadek-Khalil, orthophoniste, le souligne dans l'ouvrage l'enfant sourd et la construction de la langue. Cet auteur souligne des facteurs qui accentuent plus ou moins les difficultés face au langage. L'âge, l'atteinte auditive et les circonstances qui l'entourent, l'intelligence, le don de la langue et bien d'autres facteurs vont être la cause d'un langage plus ou moins constitué. Selon cette professionnelle concernant les personnes sourdes qui semblent maîtriser la langue, il faut être prudent. "Ils ont un instrument suffisant pour l'expression de choses simples, le plus souvent concrètes. En les observant d'avantage on s'aperçoit pourtant qu'ils ont du mal à donner une explication abstraite ou un peu finie. Enfin, ils font des fautes de syntaxe. En général, la concordance des temps du verbe est incorrecte dans leurs phrases ; l'emploi des prépositions est imprécis, et la plupart des locutions verbales toutes faîtes dont l'usage est répandu reste pour eux lettre morte." (1997, p.71 )

    Mon expérience m’a révélée d’autres faiblesses caractéristiques des enfants sourds. Pour établir une ligne d’observation structurée, je me suis inspirée des grilles d’évaluation nationale de CE2 et de sixième.

    1-5-1-3- Sur le plan disciplinaire.

    Dans le SAVOIR-LIRE, ces enfants connaissent des difficultés dans la connaissance du code : l’accès au code écrit pour la plupart des enfants entendants se fait par une prise de conscience de ce qu’ils entendent et donc spontanément par une transcription de ce que l’on dit.

    Comme nous l’avons vu précédemment, les enfants sourds ne peuvent faire cette acquisition de cette façon. Ils ont tout à apprendre. En général, l’apprenti locuteur doit s’approprier des monèmes qu’il manipulera pour les articuler. Le monème est la plus petite unité linguistique ayant à la fois une forme (signifiant) et une signification (signifié). Hors, il existe des règles qui font que les monèmes peuvent se manipuler de telle ou telle manière. Ces schémas récurrents constituent la composante syntaxique de la signification. Entre le langage et l’individu, il existe une relation de traitement intellectuel : la personne va procéder à des analogies et à des oppositions pour encoder ou décoder des énoncés. L’enfant retient d’abord des mots simples rattachables à des situations concrètes puis très vite des mots dont le référent n’est pas dans le monde sensible. Ce sont les mots outils comme les monèmes grammaticaux, les conjonctions de coordinations, les adverbes, les subordinations, les connecteurs logiques…Ce sont ces mots que les personnes sourdes peuvent ne pas acquérir. Ils ne dépasseront pas alors la première articulation. Celle-ci construit l’énoncé en une suite d’unité douée chacune d’une forme vocale et d’une signification (suite de monèmes). La deuxième articulation est l’analyse en phonèmes (plus petite unité de la chaîne parlée qui a une valeur pertinente d’opposition comme le –ons de nous travaillons) de la forme vocale du monème. Prenons l’exemple du mot cahier. Ce terme a un signifiant, un signifié et un référent. Ce mot est simple et concret. Le référent est dans le monde sensible. Avec des mots comme "encore, pas, parce que ", le référent c’est la langue. L’enfant sourd a des difficultés pour analyser, pour construire des monèmes. Il a tendance à interpréter globalement le message qu’il reçoit. Les mots outils sont agglomérés à une connexion référentielle directe. Dans "je n’en veux pas ", l’enfant sourd aura tendance à fonctionner avec un énoncé global, sans distinguer les différentes parties. Il ne mettra pas forcément "pas " dans d’autres mots. La L.S.F. aura ici tendance à accentuer le problème puisque le geste est différent entre "veux " et "veux pas ". Le fait d'inclure la négation dans un seul signe d'action pose un problème à l'enfant.

    J’ai pu aussi remarquer qu’au moment de l’exploitation hebdomadaire d’un journal, les enfants prenaient peu d’indices morphosyntaxiques et orthographiques. Ceci représente un problème par rapport au sens. Ils manquent d’outils pour vérifier leurs premières hypothèses et le premier sens dégagé reste souvent le seul possible.

    Sous la rubrique SAVOIR ECRIRE, j’ai observé, par exemple, l’élaboration de messages. Tous les lundis, je leur demandais d’écrire un texte libre portant sur le sujet qu’ils désiraient exploiter. S’en suivaient alors des productions avec des phrases simples (sujet, verbe, parfois sujet, verbe, complément) et parfois des juxtapositions de mots et une utilisation maladroite de la ponctuation. Pour les personnes sourdes, les difficultés résultent d’une insuffisance de l’utilisation langagière. C’est un problème visible dans toutes les matières. En fait, les meilleurs résultats sont obtenus par les enfants qui ont une communication orale plus développée. L’apprentissage de la langue écrite est une tâche longue et difficile mais de première importance pour son intégration.

    C’est l’écrit en tant que moyen de communication qui assure aux personnes sourdes un accès direct à l’information, à la culture… Par exemple, l’utilisation du Minitel dialogue est d’autant plus utile et accessible si la lecture et l’expression écrite sont aisées et maîtrisées. Il en est de même pour les émissions télévisées et les films sous-titrés.

    Ces problèmes en lecture et en écriture se retrouvent en mathématiques. Dès que le raisonnement prend appui sur la langue française, les enfants sourds échouent d’avantage que les entendants. A l’écrit, ils ont, dans les situations problèmes, des gènes liées à la langue française utilisée. Par exemple, si on leur fait lire "deux enfants restent seuls", pour ce groupe d’élève que j’ai observé, seul veut dire "un ". J’ai également remarqué que lorsqu’il s’agit de comparaisons (plus grand que, plus petit que), dans leur première réponse, ils inversent souvent la proposition. Par contre, les expressions "le plus " ou "le moins " ne posent aucun problème. Soulignons que la L.S.F. permet de tout exprimer. Le problème est que les enfants ont une insuffisance langagière ou que le médiateur utilise peu ou pas la L.S.F. 
      
     

    1-5-2- Sont-ils prédestinés à être en échec scolaire ?Les statistiques le prouvent et les adultes sourds l’ont déploré. " Si l’on excepte quelques réussites orales (la plupart chez les demi sourds et les devenus sourds), il faut avoir le courage de reconnaître et d’affirmer que les sourds d’aujourd’hui sont sous éduqués. " (MOODY, 1983, 24 )

    Le problème vient du fait que tout apprentissage vient de l’oral. Bien souvent le support est le mode oral. Ceci condamne d’emblée à un échec quasi-complet les enfants sourds qui ne perçoivent pas y compris ceux qui perçoivent mais dont les stimuli demeurent insuffisants et ceux qui ne parlent pas ou peu.

    Comment les enfants peuvent-ils comprendre à quoi sert l’écrit, comment peuvent –ils ressentir la moindre envie de lire ou d’écrire après leur avoir demandé de prononcer maintes fois des syllabes qu’ils n’entendent pas ?

    Si nous analysons de plus près l’histoire de l’enseignement spécialisé concernant la population des personnes sourdes, nous nous rendons compte de l’importance accordée à l’oral. Au milieu du XIX° siècle, les résultats des élèves des instituts nationaux pour jeunes sourds étaient remarquables. Mais à l’issue du Congrès de Milan en 1880, l’utilisation de la langue des signes française a été interdite. Le recours exclusif à l’oral a conduit une majorité de sourds profonds à être exclus de tout moyen linguistique performant (ni oral, ni écrit, ni langue des signes). Loin de toute insertion sociale ; ceci a contribué à les marginaliser.

    Un véritable mouvement revendicatif des sourds s’est développé en France surtout depuis 1975, dans la mouvance de mai 68.

    Sur le plan pédagogique, depuis quelques années, certaines écoles spécialisées abandonnent l’exclusivité de l’oral et tolèrent ou encouragent une pluralité de modes de communication. La plupart utilisent la langue des signes. Les résultats évoluent positivement. Mais alors pourquoi certains se sont-ils acharnés à recourir à la correspondance entre l’écrit et l’oral ?

    Ceci s’explique peut-être par la volonté de normalisation qui a caractérisé la période de l’école de Jules Ferry.

    Ce constat a été remis en question et la loi de 1989 (MEN, 1989) conduit à des changements : les enfants et adolescents handicapés ne sont plus considérés du point de vue scolaire comme des élèves particuliers mais bien comme des élèves à part entière et donc en tant que tels, intégrés dans l’ensemble du système éducatif, repensé et adapté à leurs différents handicaps. Ainsi de nouveaux textes ont accompagné cette idée avec le double souci de promouvoir une nouvelle dynamique mieux adaptée aux spécificités des enfants handicapés et d’intégrer cette nouvelle dimension au sein du système éducatif traditionnel. Il faut reconnaître que les actions seront différentes selon le type et la gravité du handicap.

    A partir de cette réflexion, je pense que l’on ne peut envisager l’intégration des élèves sourds en école normale, sans observer des critères particuliers pour ce mode d’intégration. 
      
     

    2- Critères pour penser l'intégration la mieux adaptée. 
     

    2-1-L’intégration.


    2-1-1- Sens donné à l’intégration du point de vue de l’Education Nationale.Integro, integrare (le verbe), en latin signifie réparer, remettre en état, renouveler et commencer de nouveau.

    Integratio, integrationis (le nom), signifie le renouvellement, le rétablissement.

    En m’aidant de l’ouvrage "enfants handicapés et intégration scolaire ", écrit par Philippe Fuster et Philippe Jeanne (Fuster, 98), je vais tenter de faire émerger quelques repères historiques afin de mieux comprendre cette volonté nationale actuelle.

    La loi du 15 avril 1909 institue les écoles et classes de perfectionnement pour les enfants arriérés. C’est le texte fondateur de ce que nous appelons aujourd’hui l’A.I.S. (Adaptation et Intégration Scolaires) ou l’enseignement spécialisé. Puis s’est développé le secteur- médico- éducatif. Le décret du 18 février 1963 autorise la mise en place des centres médico- psycho- pédagogiques (C.M.P.P.) alors que les classes de perfectionnement citées plus haut accueillent de plus en plus une population hétérogène avec surtout des enfants en échec scolaire. Le C.M.P.P. réunit une équipe pluridisciplinaire distincte de l’école. Ils assurent un bilan et divers soins.

    Dès 70, les élèves handicapés et en difficulté seront séparés aidés par les membres du G.A.P.P. (Groupes d’Aides Psycho Pédagogiques) dans des classes d’adaptation à effectifs réduits et à caractère temporaire. Elles sont aujourd’hui remplacées par les réseaux d’aide (R.A.S.E.D.) destinés à intervenir en actions de soutien et de rééducation auprès d’enfants en difficulté. Puis concernant les élèves handicapés, les C.L.I.S. (classes d’Intégration Scolaire) vont se substituer aux classes de perfectionnement. Elles accueillent des personnes qui sont susceptibles de tirer profit d’une scolarité en milieu ordinaire adaptée à leur âge, à leurs capacités, à la nature et à l’importance de leur handicap. C’est la C.L.I.S. 2 qui accueille les enfants handicapés auditifs.

    Dans le second degré, les circulaires de 1965 et 1967 instituent les sections d’éducation spécialisée (S.E.S.) dans les collèges. Elles accueillent des élèves déficients intellectuels légers. En 1970 s’ouvre des classes d’adaptation du second degré. Puis suivront des structures mixtes : les sections d’enseignement général et professionnel adapté (S.E.G.P.A.) et les établissements régionaux d’enseignement adapté (E.R.E.A.).

    La politique développée en ce qui concerne l’intégration date de la loi d’orientation sur les handicapés de 1975 qui régit tout ce qui a trait à l’intégration. Avec cette loi, la notion de "handicap " succède à celle "d’inadaptation " Elle est relayée par la loi d’orientation de l’Education Nationale de 1989. Cette loi institutionnalise la différenciation pédagogique en apportant un certain nombre d’outils aux enseignants. La mission du service public est de scolariser, éduquer les enfants handicapés : "les enfants et adolescents handicapés sont soumis à l’obligation éducative. Ils satisfont à cette obligation en recevant soit une éducation ordinaire, soit, à défaut, une éducation spéciale, déterminée en fonction des besoins particuliers de chacun d’entre eux par la commission de l’éducation spéciale. " (Article 4, MEN 1975). La loi d’orientation de 1989 reprend en rajoutant "l’acquisition d’une culture générale et d’une qualification reconnue (…) assurée à tous les jeunes quelle que soit leur origine sociale, culturelle ou géographique. L’intégration scolaire des jeunes handicapés est favorisée. " ( MEN, 1989).

    Selon les chiffres de 1999, l’état consacre 36000 emplois d’enseignants à l’éducation des élèves en difficulté ou handicapés et 29000 sont des maîtres spécialisés. (ACTES, 1999). Ces chiffres sont encourageants et montrent une évolution positive.

    Les difficultés résident pourtant parfois dans le refus d’intégrer, même si cela n’est pas autorisé institutionnellement. Si un enseignant, une équipe n’est pas partie prenante, l’intégration va devenir difficile. Mon enquête m'a révélée que les enfants parfois ont des comportements de rejet envers l'élève intégré ou de surprotection, les enseignants aussi. Il est nécessaire de dépasser ces réactions. Un travail d'une étudiante en DEA de Grenoble en sciences de l'éducation a montré par ailleurs que sur 119 enfants intégrés répartis dans 110 classes, en général les enfants sourds sont intégrés socialement dans leur classe. Leurs camarades ne les laissent pas de côté et communiquent de manière quasi normale en faisant si besoin est des efforts d'adaptation. J'ai remarqué que cette étude soulignait des attitudes spécifiques nécessaires pour que la compréhension mutuelle soit effective. C’est dans la dernière partie de mon travail que je tenterai de voir comment dans le quotidien des mesures peuvent être adoptées pour favoriser l’intégration.

     

    2-1-2- Pourquoi intégrer dans une école ordinaire ?Nous venons de le souligner, le souci de l’Education Nationale est à chaque fois que c’est possible, scolariser en milieu ordinaire, puis en classe spécialisée en cas d’incapacité pour l’enfant de suivre une scolarité dite ordinaire. La circulaire sur l'intégration scolaire des enfants et adolescents handicapés (MEN, 1991) dit qu'un "refus de principe ne saurait être opposé à l’intégration d’un élève handicapé ". Autrement dit, les enseignants ne peuvent pas dire non. Il faut cependant éviter, comme en Italie, d’obliger tous les enseignants à prendre des élèves handicapés. Les portes des écoles ont été ouvertes, dans ce pays, à tous les élèves handicapés. Finalement ils ont été obligés de faire marche arrière pour choisir l'enseignement spécialisé.

    Concernant plus directement la population qui nous intéresse, les élèves sourds, comme tous les enfants sont poussés dans l’acquisition du langage, par l’envie de parler, de communiquer, de participer aux échanges du groupe. Il semble important qu’ils soient stimulés non seulement par un enseignement du langage mais aussi par l’intérêt qu’ils peuvent trouver à la communication orale. Vivre avec les personnes entendantes c’est aussi pour le jeune sourd participer à une relation, à communiquer dans des interactions collectives. Cette communication va contribuer à structurer sa personnalité. Ces relations ne sont pas forcément verbales. Chacun de nous peut se souvenir de rencontres où il ne s’est rien dit et où nous avons vécu et appris beaucoup de choses. Ce désir et ces possibilités de communication sont au premier plan dans les besoins des enfants sourds. En effet, ils devront entre autre s’intégrer à la vie des adultes entendants. L’intégration en milieu ordinaire permet donc de mieux préparer à la vie le jeune handicapé. Aussi, cette initiative pourra plus inciter ses camarades à une attitude positive à son égard et à l'égard de tous les enfants handicapés.

    En nous aidant des travaux du MEN de l’Académie d’Orléans Tours (1994), nous classerons l’intégration selon quelle est individuelle ou collective.

    L’intégration individuelle peut être :

    - à temps complet, dans une classe ordinaire, sans soutien particulier ou avec le réseau d’aides spécialisées ou avec le soutien d’un service extérieur.

    - à temps partiel, dans une classe ordinaire, avec le soutien d’un service extérieur ou avec le soutien d’une C.L.I.S. et d’un service extérieur.

    L’intégration peut également être collective

    - à temps complet, dans une C.L.I.S. avec l’aide d’un service,

    - à temps partiel, dans une C.L.I.S., avec le soutien d’un service ou d’un établissement spécialisé,

    - à temps complet, dans une C.L.I.S., avec l’aide d’un service ou d’un établissement spécialisé, lorsque le handicap est sévère, pour une période d’observation en vue de déterminer si l’enfant peut être intégré, ou s’il est préférable d’envisager la prise en charge complète par un établissement spécialisé ou préparer l’intégration en classe ordinaire et d’en déterminer la forme.

    Ces différentes formes d’intégration supposent donc un lien étroit entre l’école, la famille, l’enfant et l’équipe de soutien.

    Cependant il faut souligner qu’une intégration n’est possible que si l’enfant possède la capacité d’assumer les contraintes et les exigences minimales qu’implique la vie scolaire. Aussi, il doit supporter les situations de vie et d’éducation collective en ayant une capacité de communication et de relation aux autres compatible avec les enseignements scolaires.

    Nous allons revenir sur "l'aide d’un service ". C’est l’accompagnement d’un SSEFIS (Service de Soutien à l'Education Familiale et à l' Intégration Scolaire). La CDES (commission Départementale de l’Education Spéciale) peut considérer que l’enfant ne doit pas être retiré complètement du milieu scolaire ordinaire. Je développerai plus loin l’organisation. Sera proposé alors à la famille un suivi par un SESSAD. Une convention et un projet sont établis. Concrètement lui seront proposés, par exemple des séances d’orthophonie, un soutien scolaire et éducatif…

     

    2-2- Convention d’intégration, projet d’intégration, projet individuel.

    On ne peut parler d’intégration sans se plier aux modalités administratives.

    La convention d’intégration se signe entre l’Inspecteur d’Académie et le service ou l’établissement qui intervient pendant le temps scolaire. C’est une convention purement administrative. Elle met deux partenaires en présence et elle édicte, conformément à la circulaire du 29 janvier 1983 qui l’institue, les modalités d’intervention dans l’école. Si une disposition particulière l’exige, le représentant de la collectivité locale compétente en sera également signataire (mairie pour une école, conseil général pour un collège, conseil régional pour un lycée). En résumé, cette convention précise les responsabilités qui incombent à chacun des partenaires : transport, frais de scolarité, assurance, aménagement des locaux, aménagements matériels, aides mises à disposition du site d’accueil…

    Le projet d’intégration va déterminer le rôle des différentes parties prenantes dans l’intervention. C’est un projet qui va être signé par l’ensemble des partenaires, y compris la famille qui est le premier partenaire. Les autres signataires sont le chef d’établissement s’il y a lieu, le directeur d’école, le directeur du service, les enseignants, éducateurs, psychiatre, psychologue et l’élève lui-même… Cette liste est modulable selon la spécificité du projet que chaque partie s’engage à respecter. Le projet d’intégration précise les objectifs assignés à la démarche, les moyens mis en œuvre et quels organismes prennent en charge les conditions matérielles d’organisation (transport, hébergement, frais…). Il faut également l’accord des tutelles. La CDES est instituée par la loi du 30 juin 1975 en faveur des personnes handicapées. Elle se prononce sur l’orientation d’un élève en fonction de ses besoins. Elle décide de l’attribution de l’allocation d’éducation spéciale (A.E.S.) et de divers compléments. La CCPE. , commission de circonscription préscolaire et élémentaire, assure l’orientation vers le premier degré. La CCSD (Commission de Circonscription du Second Degré ) assure l’orientation vers le second degré ( SES, SEGPA, EREA ). Aussi, l’IEN (Inspecteur de l’Education Nationale) chargé de l’ AIS, la DDASS ( Direction Départementale de l’Action Sanitaire et Sociale) sont souvent autant de partenaires convaincus de la légitimité d’une démarche intégrative.

    Concrètement, suivra l’écriture du projet individuel précis, le projet d’apprentissage. Y apparaît les compétences que l’enfant maîtrise quand il arrive à l’école, ce que l’on vise pour lui et avec quels moyens. Chaque enfant va posséder un projet. Le secrétaire de commission, CCPE ou CCSD selon le niveau de l’enfant, sera invité à participer à ce travail.

    Pour effectuer la régulation de chaque intégration en modifiant tel ou tel paramètre, pour évaluer cette démarche, il existe plusieurs indicateurs. Les évaluations et bulletins trimestriels de l’établissement d’accueil, afin d'évaluer les compétences acquises ou à acquérir, ainsi que le bilan du service spécialisé vont attester des progrès ou régressions du jeune. Aussi, les équipes devront se rencontrer et les réunions de synthèse officialiseront les conclusions.

     

    2-3- Projet départemental, mes propositions.

    Le département du Gers (32) ne bénéficie, en 2001, d’aucun service d’aide à l’intégration des enfants déficients auditifs. Ces élèves actuellement sont scolarisés dans des départements limitrophes. En septembre 2001, un service va être crée. Celui- ci fera partie d’un ensemble déjà agrée dans les Hautes Pyrénées dont un service s’adressant aux personnes handicapées auditives. Sa particularité, à l’intérieur de l’ensemble, serait sa situation géographique impliquant qu’il s’adresse à la population d’enfants sourds et malentendants gersois et dispose d’un budget différencié accordé par le Préfet du Gers. Il s’agit d’offrir la possibilité, aux familles concernées, d’avoir accès à des soins, une aide pédagogique et éducative permettant aux élèves une intégration optimale dans leur milieu naturel proche de leur habitation dans une école ordinaire. Ce projet permettra également à ce département de se mettre en capacité de répondre, dans le cadre de la Loi (Texte de Monsieur Fabius, article 33 de la loi n°91-73 du 18 janvier 1991) aux demandes de choix et de bilinguisme auxquelles les familles et enfants peuvent prétendre. Il me semble intéressant de spécifier précisément l’état des besoins du Gers pour justifier l’utilité de l’équipement. Le recensement au 01/11/2000 des jeunes sourds et malentendants bénéficiant de l’AES est le suivant : 4 âgés de 0 à 5 ans sont inscrits en maternelle, 12 âgés de 6 à 12 ans sont en primaire et 9 âgés de 13 à 20 ans sont inscrits en collège, lycée, enseignement professionnel. En septembre 2001, huit enfants seront suivis. La mission du service s’inscrira dans une perspective d’accompagnement de la famille et de l’enfant sur les plans éducatifs, pédagogique et thérapeutiques. Il s’agira d’instituer ou réinstaller l’enfant en difficulté en besoin d’aide en tant que sujet à comprendre et à accompagner, non en tant qu’objet à transformer. Nous essaierons de vivre et de faire accepter la différence en laissant l’enfant dans son milieu naturel grâce à une structure ouverte animée par des personnes venant d’horizons différents.

    L’objectif général est de favoriser l’expression de toutes les potentialités de l’enfant et le développement de sa personnalité en apportant à son milieu naturel (familial et scolaire) et à lui-même toutes les aides nécessaires dans une perspective d’adaptation. Pour chaque enfant, un bilan et des propositions détaillées de prise en charge à la famille seront élaborés. Hormis le travail propre au maître itinérant, que j’analyserai dans la partie suivante, je vais détailler concrètement ce que le projet individuel établi en réunion de synthèse comprendra :

    - Une guidance et un soutien à la famille de 1 fois par semaine à une fois par mois, par la psychologue et l’éducateur spécialisé.

    - Un soutien psychologique à l’enfant et à la famille par le psychologue, autant que de besoin,

    - L’apprentissage du codage L.P.C. ( Langage Parlé Complété ) si besoin par l’entourage de l’enfant,

    - Des rééducations orthophoniques 1 à 4 fois par semaine,

    - Une rééducation psychomotrice 1 à 2 fois par semaine à 1 fois par quinzaine,

    - L’enseignement de la L.S.F. à l’enfant, à sa famille, tous les intervenants de ses milieux de vie qui en manifesteront le désir ou le besoin

    - Des activités éducatives et de socialisation sous forme d’ateliers, de journées à thèmes, de transferts en relation avec les projets équivalents au SAIDEDA Hautes- Pyrénées,

    - Interventions des médecins, ORL, audioprothésistes,

    - Interventions de l’interprète ou du médiateur de communication autant que de besoin.

    L’équipe se réunira une fois par semaine, 2 heures et des réunions de coordination avec les différents partenaires auront lieu. Les réunions de synthèse auxquelles participeraient tous les intervenants (y compris orthophonistes libérales, enseignants, familles et enfants) se feront 2 à 3 fois par an selon les besoins pour chaque enfant suivi. Une rencontre avec la CDES serait souhaitée une fois par an. La famille fera, après ou en concertation avec l’équipe, le choix du véhicule de communication, entre communication bilingue- langue des signes et français- et une communication orale. Lui serait également proposé le soutien du LPC, si nécessaire. Evidemment comme il serait surtout envisagé ici une inscription du projet dans ‘accompagnement avec maintien en scolarité ordinaire, l’oralisme serait plutôt la base commune, au moins dans un premier temps.

    A partir de mon expérience, de mes réflexions et des réponses obtenues avec les questionnaires, je pense débuter mon action sur le département suivant deux axes : la famille, les instituteurs intégrants et d’autre part le côté pédagogique.

     

    2-3-1- Au niveau de l’organisation institutionnelle.Comme nous l’avons dit précédemment, le maître itinérant représente l’intégration. Il faut être conscient que toute intégration déséquilibre. Ce référent de l’Education Nationale va, entre autre, avoir comme tâche celle d’articuler la logique familiale et la logique scolaire. Aussi, il va créer les conditions pour que l’intégration soit accompagnée pour l’enfant et pour les professeurs.

    En effet, quel que soit la personne en contact avec l’enfant sourd, le besoin d’information va sûrement se faire connaître. Pour répondre à ces demandes, il existe des aides. Le service handiscolcrée en 1998 peut donner des solutions. Au niveau départemental, une cellule d’écoute apporte des éclaircissements au cas par cas et propose un guide pour la scolarisation des enfants et adolescents handicapés en général et pour chaque handicap. Du côté des nouvelles technologies, l’utilisation d’Internet permet de découvrir des sites très intéressants concernant la surdité entre autre http : //www.surdité.net. Aussi, je devrais établir un carnet d’adresses précis avec les coordonnées des associations, des centres d’audiophonologie, des médecins, des orthophonistes… Dans le cadre de ma formation au CNEFEI, j'ai dans l'optique d'une information fonctionnelle avec une dimension pragmatique composé une brochure et un CD-ROM (annexe I). Ceux-ci seront destinés à tous les enseignants afin de donner des informations sur la surdité en général et surtout repérer les enfants susceptibles d’être touchés. En effet, de nombreux professeurs se plaignent d’une prise en charge trop tardive.

    Dans tous les questionnaires qui me sont revenus, il est spécifié qu’une information, une formation est et doit être assurée aux écoles, enseignants et familles. Parfois, une journée d’information est dispensée aux enseignants intégrant des enfants sourds d’un même département. Certains professeurs itinérants participent à des réunions d’information sur la surdité pour des professionnels concernés comme le RASED, des assistantes sociales, l’institut universitaire pour la formation des maîtres….

    A présent, nous allons développer plus précisément les liens du maître itinérant et des familles puis le travail en partenariat avec les maîtres intégrants.

     

    2-3-1-1-La famille:partenariat,information,accompagnement,association.

    En nous inspirant de l'ouvrage de FUSTER et JEANNE (1998, p. 118 à 122), nous allons voir en quoi les professionnels sont au service de la famille.

    Dans l'éducation du jeune sourd, il faut considérer que la famille est un partenaire. Cela signifie aussi que chacun à son rôle. Le professionnel ne doit pas tenir le rôle des parents et les parents prendre la place du professionnel. Le regard parental a son importance même si cela ne suffit pas.

    L'information dont nous avons parlé précédemment doit être complétée par des renseignements concernant la vie de l'établissement ou du service, la vie de l'enfant. On peut inviter les familles à participer à une vie associative (association de parents, si celle-ci existe) pour rencontrer d'autres parents et proposer des activités sportives ou culturelles à leur enfant. La plupart des professeurs itinérants utilisent un cahier de liaison mais souvent au cours de rencontre impromptues, des solutions efficaces sont apportées.

    L'accompagnement des familles est un devoir. Des interlocuteurs existent. D'abord, il y l'enseignant spécialisé puis le professeur qui intègre et le directeur d'école. C'est ce dernier qui relève dans l'école, les points délicats, les problèmes qui peuvent se poser. Le deuxième interlocuteur est le secrétaire des commissions spécialisées. Il connaît les problèmes d'apprentissage, la pédagogie différenciée, l'intégration. On demande à ce que son nom soit affiché dans les écoles. Enfin, le dernier interlocuteur est l'inspecteur de circonscription de l'adaptation et de l'intégration scolaire. Les familles ont aussi les coordonnées de ce dernier pour résoudre un problème qui n'a pas pu trouver une solution au niveau de l'école.

    Il faut donc rappeler aux familles qu'il existe des interlocuteurs pour les informer, discuter avec eux, les recevoir et trouver des solutions adaptées. En aucun cas la responsabilité de rechercher une solution à la scolarisation ou à l'éducation ne sera laissée à la famille seule. En effet, le fonctionnement de l'Education Spécialisée semble difficile à saisir d'emblée et ceci nécessite un appui.

    Prendre en compte tout ceci revient à associer les familles au projet de l'enfant. Le professionnel prendra en compte les demandes et tentera de créer des conditions de dialogue. Ainsi la famille est active, l'école un lieu de parole et de communication pour les enfants comme pour les parents.

     

    2-3-1-2- les professeurs intégrants.

    Dans les établissements scolaires accueillant un enfant sourd, nous l’avons dit précédemment, il doit être fait une information sur la surdité et ses conséquences pour la conduite de la classe. Il est préférable d’organiser des réunions pour l’ensemble de l’équipe pédagogique de l’école ou du collège. Cependant, concernant l'information, les professeurs intégrant que j'ai questionné regrettent de ne pas recevoir une formation. Hors, depuis l'instauration des instituts universitaires pour la formation des maîtres (IUFM), en formation initiale, il existe un module adaptation et intégration scolaires. De plus, dans la formation des directeurs, tout un module est réservé aux missions du directeur par rapport à l'intégration.

    Concernant les aides institutionnelles relevant de l'éducation, l’instituteur itinérant doit pouvoir renseigner le professeur intégrant sur des adaptations didactiques et pédagogiques. Notamment, bien prendre garde à la réception du message oral. Les systèmes d’amplification sont performants mais ne sont pas suffisants. Le professeur s’attachera à parler en face et à articuler en ne parlant pas trop vite pour que la lecture labiale se fasse dans de bonnes conditions. Cependant, il peut parler sans ôter le côté naturel, sinon le discours va être transformé. L’intensité de la voix restera moyenne, ni trop faible, ni trop forte. La personne sourde doit constamment faire des efforts pour comprendre le message et utiliser la suppléance mentale. Cet exercice est fatiguant et demande de la concentration mais il est inutile de simplifier son discours. Par contre tout terme nouveau doit être expliqué ou associé à un synonyme connu et l’enfant doit pouvoir en lire une trace écrite pour le percevoir dans sa forme et le fixer. Aussi, le professeur, en classe, doit être vu. Il est indispensable qu’il reste dans le champ de vision de ce dernier. Si possible, le visage est expressif, le visage dégagé et éviter d’écrire au tableau en parlant. Le regard a aussi son importance et les lunettes teintées peuvent poser problème à l’enfant sourd. En général, la classe est calme et bien éclairée. Le deuxième rang semble être la place idéale de l’élève sourd car il peut presque tout voir et n’est pas trop isolé. Cependant pour une compréhension optimale, l'enseignant devra insister sur l'instauration d'une prise de parole dans la classe. Cette ritualisation, en pointant chaque intervention, est d'ailleurs une excellente contrainte à s'écouter entre élèves. Ceci permet de modérer ses propos et d'intervenir après une réflexion personnelle. Si cela est possible parce que l’effectif le permet, on peut disposer la classe en U.

    Concernant le vécu en réalité de ces professeurs qui intègrent, il faut savoir que la situation est très bien prise. Mon enquête a montré que sur les vingt et une expériences, la réussite scolaire et sociale de l’enfant intégré est toujours positive. Cependant, il est relevé des lacunes en vocabulaire, en expression écrite et des difficultés dans la compréhension et la concentration. J’ai noté que certains enseignants ont fait des efforts par rapport à leur voix et dans la disposition de la classe pour que l’élève voit l’ensemble de ses camarades et une école a même parlé d’une réorganisation de l 'effectif des classes pour avoir moins d’enfants dans la classe qui accueille l’enfant sourd.

     

    2-3-2- Niveau pédagogique.L 'aide pédagogique de l’élève peut s’organiser de différentes façons en fonction de différents critères : l’âge, la personnalité, le degré de surdité, le niveau scolaire, les pratiques pédagogiques de l’enseignant de la classe, les conditions matérielles…

    En relation individuelle, on peut revoir les notions mal assimilées, préparer des activités prévues (en classe ou en extérieur), personnaliser un travail pédagogique (avec des supports différents, un confort d’écoute et d’expression). Nous verrons plus tard l’impact de cette relation privilégiée.

    En petits groupes, le maître itinérant aide à la communication (prise de parole, écoute, confort), met en confiance et valorise le travail de l’enfant. Petit à petit cette situation doit banaliser l’intervention du professeur spécialisé.

    En classe, il peut informer les autres enfants à propos de la surdité, aider le maître à repérer, en situation, les difficultés de l’enfant sourd et prendre en charge le groupe pour favoriser l’observation de l’enfant sourd par son maître.

    L’enquête a révélé que la présence du maître d’accompagnement est un confort. Il est question de leur disponibilité et de la possibilité de discuter librement avec eux.

    Dans la continuité des conseils qui peuvent être donnés à tous les pédagogues qui entourent les enfants sourds, j’aimerais ajouter des adaptations. Celles-ci pourraient être appliquées en classe.

    2-3-2-1- Concept d'apprentissage, diversité de processus d'apprentissage.

    " Les enfants en difficultés ", "les enfants handicapés ", questionnent la notion d'apprentissage. Or ce concept d'apprentissage est un concept essentiellement dynamique qui se trouve au carrefour de nombreuses voies :

      • Psychologique : nous transformons l'information selon ce que nous sommes
      • Sociologique : notre environnement joue un rôle essentiel,
      • Historique : nous apprenons avec une histoire personnelle et en 2001 nous n'apprenons pas comme les Grecs apprenaient,
      • Et anatomique et physiologique : nous prenons l'information par nos sens.

    Ces diverses voies sont en interaction lorsqu'un individu est en situation d'apprentissage. L'ouvrage "qu'est-ce qu'apprendre" de Reboul va m'aider à définir ce concept. (1993, Reboul)

    Dans une approche philosophique, qu'est-ce qu'apprendre ? On apprend à faire quelque chose en le faisant par imitation et par répétition. L'imitation intègre la spontanéité. Pour faire l'économie des essais erreurs, il est nécessaire d'avoir une méthode. Celle-ci permet de prendre conscience du but, du modèle à apprendre, à diviser ce modèle en actes assez simples pour que le sujet puisse les exécuter. Enfin, elle facilite la récapitulation des essais jusqu'à l'élimination totale de tout geste parasite. Le statut de l'erreur appartient au processus d'apprentissage. Tout progrès implique que l'on "se jette" à l'eau. En effet, il faut commencer par ce qu'on ne sait pas faire.

    L'approche psychologique et sociologique met l'accent sur les concepts fondamentaux d'espace et de temps en se référant aux instructions officielles de 1989 (MEN, 1989). Par exemple, comment apprendre à lire et écrire sans distinguer la gauche de la droite, le haut du bas, l'avant de l'après ? L'enfant doit passer du temps subjectif au temps social pour arriver au temps historique. Apprendre c'est aussi travailler la mémoire, la motivation L'enseignant peut passer par le jeu. L'identification et l'imitation ont aussi leur importance. Le maître est l'adulte de référence. L'objectif est d'amener progressivement l'enfant à l'affirmation de l'autonomie. Quant à l'imitation, c'est une grande fonction de l'esprit.

    Dans cette approche nous n'omettrons pas de mentionner l'importance de la médiation entre l'adulte et l'enfant. Ce point sera développé ultérieurement.

    La diversité des processus d'apprentissage a un rapport avec la diversité dans la motivation à travailler et à apprendre. En effet, selon le sens que l'enfant trouve à l'apprentissage à long terme, moyen et à court terme, son investissement se fera plus ou moins intense. Il faut compter aussi sur l'orientation de ses intérêts selon les étapes de son développement biologique et psychologique orienté vers l'extérieur de l'école et sur le besoin qu'il éprouve d'effectuer l'apprentissage. Ceci peut être le choix de faire plaisir à quelqu'un dont il s'est fait un modèle ou dont il a peur ou un besoin ponctuel de réaliser une activité en vue d'un projet plus vaste que l'enfant s'est approprié. La notion de plaisir prend ici sa place. Puisque celui-ci est à l'origine du désir, il semble revêtir à l'école plusieurs aspects. L'enfant ne doit pas se sentir passif, il explore et découvre par lui-même des éléments du travail demandé. IL est indispensable qu'il comprenne ce qui est dit en classe et qu'il mène à terme un projet reconnu par les autres.

    Nous conclurons sur les processus d'apprentissages en précisant l'importance qu'occupent également les différences entre élèves concernant les rythmes, la gestion des images mentales, les modes de pensée, le pré requis et les modes d'expression et de communication.

    2-3-2-2- Donner du concret.

    Selon la théorie constructiviste de Piaget (1967), trois stades jalonnent le développement des structures cognitives : le stade concret qui permet de comprendre par l’action sur la réalité, le stade formel (à l'adolescence) qui permet de raisonner par l’abstraction et le stade intermédiaire qui selon l’activité fait appel à l’un ou l’autre des stades précités.

    J’ai constaté, à la suite d’un apprentissage, que certains enfants ont des blocages. Il faut conduire l’enfant au formel par une succession d’opérations hiérarchisées. Peut-être est-il préférable, face à une notion mal assimilée, de laisser la maturation s’effectuer et reprendre celle-ci plus tard en préparant son introduction par des étapes graduées, du concret vers le formel.

    Le maître proposera, par exemple en lecture, des situations vécues par les enfants. C’est également en présentant des textes dans leur intégralité que l’enfant aura la possibilité d’approcher la langue dans sa réalité. C’est Meirieu, en 1967, qui a parlé de l’importance de présenter la langue dans toute sa réalité et sa complexité afin que l’enfant soit en mesure de mettre en œuvre de véritables "stratégies d’apprentissage " ? L’élève va construire ses savoirs et ses savoir-faire en intégrant par une série de mises en relation successives, les difficultés à l’habitude, l’étranger au familier. Les montages et les juxtapositions de phrases sont plus difficiles pour les enfants sourds qu’un texte intégral car ils sont plus simples dans leur forme mais moins redondants donc plus pauvres en possibilités d’hypothèses et de mises en relations. Je vais citer le travail que j’avais effectué à propos d’une demande de documents à une agence de voyages. Le besoin d’illustrations en Histoire a conduit les enfants à chercher sur le minitel l’adresse des différentes agences, à bâtir une lettre. Chacun devait ensuite envoyer un courrier à une adresse différente. Sachant que le minitel est pour eux un outil de communication indispensable, et que la maîtrise de l’écriture est la condition pour une intégration dans la société, ils ont fait ce travail avec motivation. Je pense que le maître doit s’habituer à montrer l’utilité de tous les apprentissages pour motiver les enfants. Je me souviens de l’échec dans l’apprentissage du subjonctif à ces enfants. Cette leçon se résumait à une liste de verbes les plus courants à ce temps. Une collègue m’avait alors rapporté l’expérience avec Naïma, une de ses élèves. Celle-ci était originaire du Maroc et l’apprentissage du subjonctif est passé par le Maroc : " J’aimerais que mon père m’emmène au Maroc ", "il faut que nous allions à Maroudant ". C’est un contact privilégié avec l’élève qui lui a permis une telle trouvaille…

    2-3-2-3- Opter pour une relation enseignant enseigné privilégiée.

    Le maître valorise les réussites de l’élève. Il explique à l’enfant les démarches qu’il met en place pour qu’ensemble ils obtiennent des résultats. Un professeur entendant avec un élève sourd a ce comportement. Il prend également des précautions linguistiques en reformulant de façon variée les consignes, à parler bien en face et à bien articuler. De nombreuses illustrations viennent aussi compléter les argumentations. Le maître doit être tolérant et croire dans les possibilités de l’élève.

    Cet objectif d’amélioration de la relation enseignant enseigné a d’ailleurs été mis en évidence par des chercheurs en neurophysiologie et psychologie cognitive, en ce sens que les émotions positives (confiance, plaisir, sécurité) déclenchent la motivation sans laquelle nul apprentissage ne peut s’effectuer. Cette stratégie de réussite doit être mise en place quel que soit l’enfant. Le maître n’est pas le seul détenteur du savoir mais c’est la personne qui aide l’enfant à s’approprier les savoirs et à utiliser des outils. C'est Piaget qui pose les bases de la psychologie cognitive. L'enfant est un sujet logique qui construit ses savoirs. Pour cet auteur, l'enfant est actif dans ses acquisitions. Il existe une continuité des opérations les plus simples aux plus complexes et l'acte d'intelligence est là depuis le début. La logique à l'origine est l'adaptation. Pour Piaget, l'être doit maintenir son unité et il n'est pas si malléable que ça. N'est assimilable que ce qui ne remet pas en cause fondamentalement l'organisation. La réorganisation sera majorante pour mon développement (ceci reprend la notion d'assimilation et d'accommodation). Vygotsky, lui, définit les rapports entre développement et apprentissage en ayant recours à la zone proximale de développement. Si une interaction sociale est initiée, la zone proximale marque ce qui peut constituer la prochaine étape du développement actuel du sujet. Toute fonction avant d'être intrapsychique est inter psychique. Un schème opératoire avant d'être remanié par l'enfant seul devant la tâche a été partagé avec un adulte médiateur ou des pairs. Il faut, en classe, s'attacher à enseigner à l'enfant que ce qu'il est capable d'apprendre. L'apprentissage est possible là où il y a possibilité d'imitation. Enfin, Bruner considère que tout apprentissage est culturel, l’adulte étant un passeur culturel. Pour cet auteur, il existe une idée d’innée, de génétique. Les parents et les enfants ont une détermination génétique : pour l’enfant, de se polariser vers l’adulte et pour l’adulte, initier l’enfant au monde. L’adulte va expliciter à l’enfant, réduire les degrés de liberté en simplifiant la tâche et bien faire connaître la finalité de la tâche pour que l’enfant aille jusqu’au bout. En tant que pédagogue, on a tout intérêt d'utiliser les notions de Piaget, Vygotsky et Bruner

     

    2-3-2-4-Diversifier les méthodes de travail et les outils d’apprentissage.

    Il est bénéfique au cours de la journée d’alterner le mode de regroupement. La vigilance est différente selon les heures. Le pic se situe vers 10 heures 30 pour redescendre jusqu’à 14 heures. Vers 14 heures 30, la vigilance remonte. Ainsi, les élèves qui ont un creux de vigilance sont moins attentifs. En soutien, on n’est pas toujours maître des horaires et il faut avoir à l’esprit ces notions pour aider au mieux, par exemple, ce collégien qui n’est disponible qu’à 13 heures. Pour obtenir une efficacité maximale, il faut alterner les méthodes de travail (en soutien, relation duelle suivi d’un travail en petit groupe sera nécessaire avec les plus jeunes). C’est à travers les méthodes que les apprentissages sont facilités.

    Dans mon enquête, la plupart des enseignants constatent que les outils d’enseignements sont les mêmes que ceux utilisés avec les élèves en difficultés. Depuis l’intégration, certains utilisent plus de visuel, essaient de mieux structurer leurs cours. Cette diversification est très importante dans la pédagogie avec les enfants sourds. Ces médiations utilisées par l’enseignant sont nécessaires quel que soit l’enfant auquel on a à faire. Nous y retrouvons la parole, l’écriture, le geste, l’image, les outils technologiques tels que l’audiovisuel et l’informatique, les matériaux (éprouvette, ciseaux…). Avec les enfants sourds j’ai appris que plus les outils étaient variés et plus ils y trouvaient leur compte. Il n’était pas rare avec les sixièmes du CESDA que la leçon d’histoire, par exemple, se termine par un résumé sous forme de figurines aimantées que nous déplacions sur un support pré dessiné. 

    CONCLUSION 

     

    Chaque époque, en fonction de ses croyances, peurs, fantasmes, mais aussi des représentations qu'elle a d'elle-même et qu'elle pose en normes, se construit une définition de cet "autre différent". Cette définition s'accompagne de différentes dénominations : fous, anormaux, malformés, handicapés, inadaptés…

    Aujourd'hui ces personnes, comme les élèves sourds sont amenées à être intégrées en milieu ordinaire, les centres spécialisés sont évités.

    Les enfants qui posent problème dans les classes ordinaires présentent des difficultés à des degrés divers. Bien souvent, c'est une difficulté légère qui peut se transformer en difficulté grave, si l'on n'y prend pas garde. Les causes du besoin d'une tierce personne sont, nous l'avons vu, multiples.

    L'enfant sourd, lui, de par son handicap, pourra ressentir des difficultés mais sans pour autant être prédestiné à un échec scolaire.

    " Les enfants et adolescents auditifs sont ceux que l'on intègre le plus en pourcentages par rapport à chaque catégorie de handicap (…) " (Gillig, 1996).

    Cependant, on n'intègre pas n'importe qui, n'importe comment et n'importe où.

    Les questionnaires remplis par les maîtres intégrant, les enfants intégrés et les professeurs spécialisés l'illustrent. La prise en charge sera d'autant plus efficace si les élèves sourds sont dépistés précocement.

    Ils auront besoin d'une aide parentale efficace, d'une capacité d'adaptation et je pense d'une intelligence moyenne sinon, une autre orientation plus profitable devra être envisagée. Le suivi par une équipe pluridisciplinaire semble également une condition au bon déroulement de ce projet. Partant de l'idée que l'intégration est en général le fruit d'un consensus entre une équipe spécialisée prête à aider l'enfant et à collaborer et des enseignants volontaires et mobilisés, j'ai développé l'objectif du projet départemental. J'ai souligné que les parents font aussi parti du consensus et qu'ils doivent être fortement impliqués. L'intégration scolaire d'un enfant sourd doit s'appuyer sur une attente raisonnée des familles. Ce projet doit s'inscrire dans une démarche dynamique et positive en donnant une information réelle des capacités de l'enfant. Il faut fixer des objectifs clairs qui prennent en compte à la fois les objectifs assignés à l'école et les capacités de l'élève.

    Quant à l'enseignant qui intègre, il ne doit pas manquer d'appuis, d'aides face aux difficultés propre à la surdité. Sans pour autant que l'intégration d'un élève se traduise par plus de ségrégation pour les autres enfants, j'ai voulu proposer des pistes pour l'aide que je pourrai apporter aux instituteurs intégrants.

    Notamment au niveau pédagogique, j'ai défini des concepts d'apprentissage. Je pense que l'enseignant avec un élève déficient auditif doit travailler sur le concret et établir une relation harmonieuse avec ses élèves. Enfin, il pourra s'appliquer aussi à diversifier les méthodes de travail et les outils d'apprentissage.

    Ce que j'ai vécu dans l'enseignement donné aux élèves sourds peut, je suppose, donner des pistes à un enseignement quel que soit l'enfant posant des problèmes en milieu ordinaire.

    L'enfant peut être différent de par un handicap ou par ses résultats. Parfois les deux sont liés. Pour l'aider, il faut peut-être s'attacher à ne plus concevoir les actions éducatives selon des normes moyennes et idéales. Au-delà de l'élève anonyme et standard, il est souhaitable d'accorder de l'importance aux profils singuliers.

    Dans cet esprit, il convient de retenir ce que propose Albert Jacquard en terme de génétique : "il n'y a pas d'égalités entre les individus, il y a seulement des différences." 
     

    BIBLIOGRAPHIE 

    ACTES DU COLLOQUE : L’enfant sourd, une personne en devenir, mai 1999, INJS METZ, p.45. 

    BEIZMAN, C. " Quelques considérations sur le Rorschach des sourds –muets. " Enfance, n°3, éd. 1950, pp. 33-48. 

    BOUVET, D. La parole de l'enfant sourd, PUF, 1982, p.283. 

    COMPAS, Y. " Image de soi et réussite scolaire ", Psychologie scolaire, 52 éd.1985, pp.7-50. 

    CYRULNIK, B. Un merveilleux malheur, Edition Odile Jacob, 1996.

    DICTIONNAIRE ENCYCLOPEDIQUE de l’éducation et de la formation, 2° édition, janvier 2000, Nathan université. 

    EVEQUOZ, G. Le contexte scolaire et ses otages, vers une approche systémique des difficultés scolaires, 2° édition ESF, 1987, pp.44-45. 
    FURTH, H. " Deafness and learning wadsworth ". Belmont, 1973, 86 in COLIN, D, Psychologie de l’enfant sourd, Paris : Masson, 1979. 

     

    FUSTER, P ; JEANNE, P : Enfants handicapés et intégration scolaire, Enseigner, Paris : Armand Colin 1998. (Formation des enseignants) 

    GEISSMANN, P. et all. "Facteurs psychologiques de l’échec scolaire " in MARTIN, J.C (sous la direction) Perspectives de réussite au-delà des insuccès scolaires. Académie de Bordeaux. Février 1984.  

    GILLIG, JM. Intégrer l'enfant handicapé à l'école, Dunod, collection formation pédagogie, Paris : 1996, P. 210. 

    ISAMBERT JAMATI, V. " Classes sociales et échec scolaire " in L’école et la nation, n°203, nov.1971.  

    JACQUARD, A. Eloge de la différence, Paris, Seuil, 1978.

    MAESTAS y MOORES, M. J (1980). Early linguistic environment : Interactions of deaf parents with their infants.Sign language studies, 26, 1-13 in LEPOT FROMENT et CLEREBAUT.L’enfant sourd, communication et langage, DeBoeck, Université 96, p 64. 

    MANNONI, P. Des bons et des mauvais élèves. Paris : ESF, coll. Sciences de l’éducation, 1986. 

    MATTEODO-PEYRACCHIA, L. (sous la direction) Evaluation subjective des effets de la langue des signes sur la compréhension et l’expression de la langue orale, écrite, in Courrier de Suresnes n°53, 1990. 

    MEIRIEU, P. Apprendre oui, mais comment ? ESF, Paris, 1967. 

    MEN. Loi n°75-534 du 30 juin 1975 d'orientation en faveur des personnes handicapées.  

    MEN. " Loi d’orientation sur l’éducation. " Bulletin officiel de l’éducation nationale, n° spécial 4, 31 août 1989. 

    MEN. Circulaire n°91-302 du 18 novembre 1991 : intégration scolaire des enfants et adolescents handicapés. 
    MEN. Académie d’Orléans Tours, Contre l’exclusion scolaire : prévention, adaptation, intégration, CRDP de la région Centre, Orléans, 1994. 

    MOODY, B. La langue des signes. Paris : IVT, 1983. 

    NUNES DE ASCENSAO, M. " La représentation de soi chez les sourds profonds . Etude expérimentale ", thèse pour le doctorat d’université, Paris, Roméo 1970 in COLIN. D Psychologie de l’enfant sourd, op. cit. 

    PIAGET, J. La psychologie de l’intelligence, Colin, 1967. 

    REBOUL, O. Qu'est-ce qu'apprendre ? PUF, 1993.  

    ROBERGE, L. "L'estime de chez l’enfant déficient auditif " in ESMHD, n°94, Surdité et bien être, Troisième congrès international de l’ESMHD, Maison de l’UNESCO, Paris, 14-16 décembre 1994. pp. 150-151. 

    ROY, F. " L’environnement familial, le lieu d’où les élèves accèdent à la parole qui structure leur vie scolaire " in MARTIN, JC . Op cit. 

    SADEK-KHALIL, D.L'enfant sourd et la construction de la langue, Edition du papyrus, 1997. 

    VINTER, S. Mise en place des éléments prosodiques dans le langage de l’enfant sourd. Rôle des stimulations acoustiques et des interactions sociales. Besançon, Université de Franche-Comté : thèse de doctorat (1992). In LEPOT FROMENT et CLEREBAUT, L’enfant sourd communication et langage, DeBoeck, 1996, pp. 25-57. 

    ANNEXES 
     

    I CDROM : Informations et conseils sur la surdité………………………………………….37

    II Questionnaire à l’attention des maîtres itinérants…………………………………………39

    III Tableau à remplir par les enfants intégrés………………………………………………..41

    IV Questionnaire à l’attention des maîtres qui accueillent un enfant sourd dans

    leur classe (en partenariat avec l’intervention d’un maître de soutien)……………………...42

    V Un exemple : le département des Hautes-Pyrénées (65)…………………………………..43

    VI Autre exemple : le département du Val de Marne (94)………………………………….49

    VII Résultats des questionnaires maîtres itinérants………………………………………….57

    VIII Résultats des questionnaires enfants intégrés…………………………………………..58

    IX Résultats des questionnaires maîtres intégrants…………………………………………..60 
     

    ANNEXE II
    QUESTIONNAIRE A L'ATTENTION DES MAITRES ITINERANTS

    En formation au CNEFEI pour la préparation au CAPSAIS A, j'ai besoin de votre collaboration pour m'aider à illustrer mon mémoire. Je vous remercie.

    Marielle Sentou. ( Gers)

     

    Dans les grandes lignes, quels sont les contenus récurrents des projets individuels d'intégration ?

    …………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………….
     

    En début d'année ou en cours d'année, faites-vous une information ou une formation au maître qui intègre ?

    Sous quelle forme ?

    ………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………

    Concrètement comment se fait le travail avec le maître intégrant ? (Réunion, cahier de liaison…)

    ………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………

    Quels liens entretenez-vous avec la famille ?

    ………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………….

    Sous quelles formes se font les liaisons avec les différents intervenants auprès de l'enfant sourd ? (Orthophoniste, audioprothésistes, ORL, audiométriste…).

    A quelle fréquence ?

    ……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………….

    ANNEXE IV 
      

    QUESTIONNAIRE A L’ATTENTION DES MAÎTRES QUI ACCUEILLENT UN ENFANT SOURD DANS LEUR CLASSE.

    (En partenariat avec l'intervention d'un maître de soutien.)

    Je suis enseignante au CNEFEI à Suresnes pour me spécialiser et enseigner à des élèves sourds. Je vous remercie de bien vouloir compléter ce questionnaire afin d'illustrer mon mémoire concernant l'intégration.

    Marielle Sentou (Gers)

    Niveau de la classe : Prénom de l'enfant : Département:

    1-En début et en fin d'année, avez-vous été informé des difficultés que vous pouvez rencontrer avec un enfant sourd ? Sous quelle forme ? Est-ce suffisant ? ……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………

    2- Considérez-vous l'intégration de cet enfant

    (Entourer) comme une réussite ou un échec du point de vue scolaire

    une réussite ou un échec du point de vue social.

    Pouvez-vous donner une explication ? …………………………………………………………………………………………………...

    3-Depuis l'arrivée de cet élève les outils d'enseignement ont-ils été modifiés ?

    …………………………………………………………………………………………………

    Avez-vous adapté votre enseignement ? (Les leçons, les contrôles)

    ……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………

    4- Quels sont les effets de cette intégration sur les autres élèves ?

    ……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………

    5- Concernant l'intervention du maître de soutien, comment se déroule le travail en partenariat?

    ……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………

    6- Seriez-vous prêt à accueillir encore un élève sourd ?

    …………………………………………………………………………………………………...

    7- Comment vivez-vous cette situation ? Le prenez-vous comme une charge de travail supplémentaire ? Un enrichissement ?

    ……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………

    8- Verriez-vous des modifications à apporter pour que cette intégration soit encore plus profitable ?

    ……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………

     

    ANNEXE VIII 
     

    RESULTATS DES QUESTIONNAIRES ENFANTS INTEGRES

     

    A propos de la formation :

    Pour la majorité, rencontres en début d’année.

    Pour un instituteur, stage à l’IUFM.

    Informatif suffit mais le passage à la pratique est difficile.

    Certains se sont documentés en plus, en faisant appel entre autre au maître de soutien et aux parents.

    Lecture du fascicule Handiscol.

    Une réflexion d’un collègue : " Je ne vois pas quelles difficultés pose un enfant sourd dans une classe. "

    Constats des insuffisances : intérêt d’une formation au niveau départemental, régional et national.

    Pour certains, l’information est mal située et devrait avoir lieu au tout début de l’année. 
     

    Intégration : réussite ou échec ?

    A 100%, réussites scolaires et sociales.

    Certains professeurs relèvent une constante quant aux lacunes en vocabulaire, en expression écrite et aux difficultés de concentration et de compréhension.

    En début d’intégration, deux enfants peu sociables et agressifs ont, par la suite, amélioré leur comportement.

    " Cette situation isole moins l’enfant et la famille. "

    " … a pu au sein du collectif banal apprendre à accepter sa différence et pallier son handicap pour se faire entendre de la part des autres enfants qui n’étaient pas sourds. "

    Outils d’enseignement  adaptés ?

    Comme avec les enfants en difficulté. On s’assure que le message est bien passé.

    Plus de visuel, leçons imagées, plus théâtrales.

    Mieux structurés.

    La voix, l’articulation, le débit plus lent.

    Modifications dans la disposition de la classe pour voir l’ensemble des copains.

    Positionnement de face de l’enseignant pour ses prises de parole.

    Utilisation de gestes pour les sons (LPC ?).

    Enseignement adapté ?

    Pour certains des leçons et des contrôles moins longs.

    Plus de présence prés de l’enfant sourd sans pénaliser les autres.

    Enseignement différencié, individualisé, notions plus appuyées (phonèmes, structure temporelle) : explication des mots dans différents contextes.

    Nouvelle répartition des enfants, au sein de l’école, pour avoir moins d’effectif dans la classe qui accueille l’élève intégré.

    Plus d’écrits au tableau, plus de schémas, de codes propres à la classe.

    Commenter de moins en moins ce que l’on est en train d’écrire au tableau.

    Répète plus.

    Plus de concret, moins d’abstrait.

    Reformulation des consignes, jamais de dos.

    Pour les dictées, le maître est assis devant l’élève sourd. 
      
      
      
      
      
     

    Effets de l’intégration sur les autres enfants ?

    Côté positif :

    Tolérance, aide et soutien, intégré totalement.

    Développe la solidarité, apprentissage de la tolérance.

    Les camarades ont appris quelques signes et l’enfant préfère les regarder plutôt que la lecture labiale proposée le maître.

    Education à la citoyenneté, plus attentifs, plus patients à l’égard de cet enfant, respect, admiration.

    Ecoute et attention renforcés lors d’échanges.

    Côté négatif :

    N’aident pas spontanément au début.

    Ni plus, ni moins : pas de racisme, pas de cadeau.

    Interventions du maître itinérant, travail en partenariat :

    Confort quand il est dans la classe.

    Mise au point à chaque séance, au coup par coup.

    Ce sont des personnes toujours disponibles, à l’écoute, dialogue.

    Préparation de certaines notions comme en vocabulaire.

    Connaissent bien les enfants.

    Echanges courts mais efficaces.

    Pour un professeur : insignifiant.

    Utilisation d’un cahier de liaison.

    Il cible plus le soutien.

    " Rassure parfois le maître de la classe ! "

    Vécu de la situation ? Prêt à renouveler l’expérience ?

    Pour certains enseignants qui accueillent un enfant sourd depuis longtemps, ils veulent une pause.

    Pour les autres, oui.

    " Déficients auditifs mais pas sourds. "

    " Pas deux enfants sourds à la fois. "

    " On a plus envie que cet enfant réussisse qu’un autre… Face à un échec de cet enfant se pose toujours le problème de savoir si on a fait ce qu’il fallait. Un sentiment de culpabilité. "

    Phase d’enrichissement passée au bout de quelques années, parfois c’est lourd à gérer.

    " On se demande si on ne leur en demande pas trop. "

    Pour la majorité d’enseignants qui intègrent, c’est un enrichissement. Cette situation nécessite plus de vigilance pour la compréhension.

    Pour certains ce n’est pas une charge mais une attention particulière.

    Contrainte "utile " et un enrichissement personnel et professionnel.

    " C’est plus facile que d’apprendre à lire à ceux qui n’y arrivent pas ! "

    " On ne s’improvise pas enseignant qui intègre… "

    Modifications afin d’améliorer l’intégration.

    Effectif raisonnable, moins d’autres élèves en difficulté, soutien d’un répétiteur serait utile, plus de temps en soutien.

    Avoir un maître supplémentaire pour prendre en charge la classe afin que les synthèses se fassent sereinement et que les concertations aient lieu dans le temps scolaire.

    Une formation plus spécifique pour les préparer aux difficultés.

    Un soutien psychologique pour l’enfant plus approfondi pour accepter ses problèmes.

    " Avoir des locaux plus grands pour que les enfants puissent s’épanouir dans un espace et un niveau sonore acceptables : l’enfant sourd devrait pouvoir s’isoler quand il le ressent. "

    Plus de temps pour un retour mensuel entre maître intégrant et itinérant.

    " Demander l’avis de l’enseignant avant l’intégration. " 
      
     

     

     

     

     

     




16/04/2012
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